La Sélection Bandcamp #7 Médiathèque de Tassin mercredi 3 février 2021 Aucun commentaire

A la veille d'un probable troisième confinement, nous voici de retour avec une nouvelle...
... sélection musicale éclectique... et toujours gratuite ! Bonne écoute !

Si 2021 s’annonce tout aussi morose que 2020, on peut néanmoins encore compter sur certaines sorties pour nous mettre du baume au cœur, et particulièrement sur l’une venant d’Allemagne.


C’est en état de grâce que nous retrouvons les membres de The Notwist sur ce somptueux Vertigo Days, sans doute l’œuvre la plus aboutie du groupe depuis longtemps, et probablement l’un des meilleurs compagnons face à la déprime ambiante actuelle. Si sept longues années séparent ce nouvel album de son prédécesseur "Close To The Glass", Markus Acher et sa bande n’ont pas chômé pour autant. Entre divers projets parallèles, la tenue d’un label ou encore l’organisation d’un festival, les allemands ont su donner de leur personne pour finalement en récolter les fruits et nourrir ce huitième album riche, dense, et d’une troublante personnalité.



Avec ses airs de cabinet de curiosités et de recherches, Vertigo Days n’en demeure pas moins un album cohérent et brillamment agencé, sur lequel figurent de nombreux invités venus des quatre coins du monde (Saya du duo pop japonais Tenniscoats, le multi-instrumentiste américain Ben LaMar Gay, la clarinettiste et compositrice de jazz Angel Bat Dawid ainsi que l’auteure-compositrice electronica argentine Juana Molina) : des rencontres qui ont permis au combo allemand de briser certaines barrières musicales mais sans y perdre son authentique signature. C’est ainsi que les titres défilent, de manière crépusculaire, se fondant les uns dans les autres, mais toujours avec la voix incomparable et sensible de Markus Acher comme fil conducteur.

De l’introduction psychédélique Al Norte à la magnifique ouverture Into Love / Stars, des élans krautrock de Ship à la sublime mélancolie de Loose Ends, ou des pérégrinations trip-hop d’Oh Sweet Fire aux intentions plus pop de Sans Soleil, The Notwist offre ici une nouvelle palette de paysages sonores, comme une sorte de mise à jour de son propre univers que l’on retrouve ici enrichi et plus sophistiqué que jamais. En 14 titres et 50 minutes, Vertigo Days ne s’essouffle jamais, affiche une beauté passionnante, et voit The Notwist consolider ses acquis tout en les sublimant et en les invitant dans de nouvelles sphères.



L’album commence dans une ambiance balkanique, et se termine de la même manière. Entre les deux, Black Country, New Road nous promène avec maîtrise sur les six pistes qui constituent For The first Time, son premier long format, entre outrances vocales et cacophonie savante.

Est-ce à cause de sa jeunesse que le septuor de Cambridge a dû se contenter, ces deux dernières années, de publier parcimonieusement des singles toujours encensés par la critique, tandis que Black Midi ou Crack Cloud – dont le rock est voisin – lâchaient successivement des albums portés aux nues ? Maintenant que son tour arrive, le collectif nous livre un brûlot explosif assez inclassable qu’on devrait à son tour retrouver dans les classements de fin d’année.





L’album possède en effet tout ce qu’on aime trouver en ce moment dans le rock : une construction millimétrée sous un apparent lâcher-prise, des compositions progressives très maîtrisées, et une musicalité éclectique opportuniste. Le groupe réussit à digérer le rock autodidacte de la moitié de ses membres comme la formation classique des autres, se permettant d’être aussi à l’aise sur des titres très défragmentés aux guitares explosives (Athens, France, Science Fair, Sunglasses) que mélodiques (Instrumental, Track X, Opus), dominés par le violon et le sax.

L’unité du groupe est certainement à chercher du côté de ce dernier instrument, et du dialogue permanent qu’il entretient avec la batterie. C’est évident sur Instrumental et Opus, les deux parenthèses du disque leur ménageant la part belle dans ces grooves klezmers. Mais au milieu du déluge métallique et électrique des cordes qui consument le coeur de l’album, le saxophone sait aussi bien faire retomber la fièvre de Athens, France, accompagner la montée déséquilibrée et furieuse de Science Fair, souligner la voix d’ogre d’Isaac Wood sur Sunglasses.




Instrument à part entière, ce parlé-chanté d’ogre rappelant celle de Craig Louis Higgins Jr (Warmduscher) peut envoûter ou rebuter. Elle semble à chaque instant nous prendre à partie, nous menacer, ouverte à toute les outrances. Brûlante de colère sur Sunglasses, sa montée vers l’angoisse sur Science Fair nous mène à l’acmé d’un film d’horreur, mais à l’inverse, proche de la rondeur de celle d’Allen Tate (San Fermin), trouve des accents caressants presque soul (Track X).

De quoi faire de For The First Time un album parfois déstabilisant, bruitiste, complexe, mais définitivement renversant par le plaisir et l’imagination évidents que les sept musiciens ont injectés dedans.



A peine plus d’un an après la sortie de son premier album solo Out in the Dark, Magon revient avec Hour After Hour et la ferme intention de ne pas décevoir ceux qu’il avait embarqué avec lui à la force de sa charmante désinvolture.

Sur la pochette, il est perché tel un chat sur une colonne de Buren, dans la cour d’honneur du Palais Royal. Et la métaphore félidée lui va bien : non pas en référence à celui qui dort toute la journée au coin du feu, plutôt à celui qui marche la tête haute sur les faîtes de toit et qui vaque au gré de ses envies. Indépendant, Magon l’est assurément puisqu’il s’est occupé d’à peu près tout lors de l’enregistrement du disque et agit en son nom propre depuis son entrée dans le monde de la musique. Il y a onze ans, il laissait son Tel-Aviv natal pour Paris, puis débutait une collaboration synth-pop avec Charlotte fort justement baptisée Charlotte & Magon. Voici donc maintenant Magon en solo, deuxième volume.

  


Hour After Hour se raconte à la première personne du singulier ou interpelle à la deuxième. C’est un disque qui vit au présent, et s’il décolle du quotidien, ce n’est que pour aller dans un futur très proche. Sur Change, des sonorités surf se la jouent paisible : le morceau évoque le spleen du musicien en tournée, loin des siens, ainsi qu’une appréhension sur des changements imminents, peut-être bien la venue au monde de son premier enfant. On retrouve cette même sensibilité sur Coucou my Friend, vite balayée par l’enjoué Next Life. Mais qu’on se rassure, le Magon d’avant, le félin, n’a pas disparu. Il maraude dans le quartier pour des histoires noctambules, aguiche le passant en venant jamais ni trop près ni trop loin. Hour after Hour ou Shackles of the Wretched avancent sur des beats crâneurs et déterminés, alors que le pouls s’affole avec le velvetien Yolanda et ses guitares grésillantes. Aerodynamics ou Alexa peuvent faire penser aux Pixies, les cris de Franck Black en moins évidemment.

Il est clair que si Magon aime bien jouer la carte du branleur, il n’hésite pas non plus à se mettre à nu, de par son écriture. Notre homme a la classe nonchalante de ceux pour qui tout a l’air facile. Apparence trompeuse tant réaliser un album seul est forcément beaucoup de travail. Et si, comme pour d’autres, on évoque quelques influences lorsqu’on commente ses disques, chaque morceau de ce Hour After Hour est marqué du sceau de sa personnalité, chacun se différencie des autres grâce à la créativité évidente de son auteur.




L'époque n'est pas avare en jeunes voix fortes et saisissantes. La dernière en Angleterre s'appelait Jorja Smith, voici aujourd'hui Arlo Parks.

À 20 ans, la jeune Londonienne accumule déjà les prix, les critiques élogieuses et les millions d'écoutes partout dans le monde. Bref, depuis un an on parle beaucoup d'elle. Drôle de paradoxe avec sa situation actuelle, confinée, dans sa chambre d'adolescente au moment où elle nous répond. À propos de son talent, elle dit : "Pour moi, il est juste question d’expression, de faire le tri parmi mes émotions, de raconter ce que j’observe dans ma vie".




Ecrire de la musique m’aide à me comprendre, et j’espère que quand je le partage, ça peut aider d’autres personnes à ressentir la même chose


Son premier album, Collapsed In Sunbeams, est à la fois chroniques d'adolescence et observations en vrac. Caractéristiques : ses textes soignés, héritage de sa passion profonde, la poésie. "Quand j'avais 14 ans, j’ai découvert des albums qui prouvent que poésie et musique vont bien ensemble, comme ‘Doris’ d’Earl Sweatshirt ou ‘Horses’ de Patti Smith, explique-t-elle. Je me suis plongée dans la création, en faisant des expériences, en essayant plusieurs styles, d’abord du spoken word et enfin le chant. Honnêtement c’est très instinctif, j’écris quelque chose et je sens quand ça va devenir une chanson, ou si ça va rester un poème".

Parmi les thèmes forts qu'elle aborde avec franchise et délicatesse, la dépression - avec le très beau titre Black Dog -, la solitude, les traumatismes... Arlo Parks, de mère française, tire aussi son inspiration de son héritage multiculturel, elle dit avoir écouté beaucoup de musique française notamment. C'est désormais son tour, Arlo Parks invite chez elle en attendant de repartir en tournée. Comme une sensation de début d'année, avec un premier album qui sonne déjà comme une confirmation.






Orphelin de MF Doom qui aura largement contribué à le faire connaitre à la sortie de Madvillain en 2004, Madlib peut compter sur Four Tet pour se changer les idées. En effet, les deux producteurs dévoilent encore un peu de leur collaboration qui devrait se concrétiser à la sortie de Sound Ancestors, nouvel album solo du californien, ce mois ci chez Madlib Invazion. Trois extraits, Road of the Lonely Ones, Hopprock, et Dirtknock donnent déjà largement envie d’en découvrir plus. En écoute ci-dessous.


 


Il y a quelques mois, j’ai fini de contribuer à l’album sur lequel Madlib et moi travaillions depuis quelques années. Il fait toujours de la musique de toutes sortes, et alors que j’écoutais ce qu’il avait fait, j’ai pensé qu’il serait super d’entendre tout ça au sein d’un nouvel album solo. Pas de beats à destination des MCs, mais des morceaux qui vont bien les uns avec les autres, pour un album qui puisse s’écouter du début à la fin. Il a expérimenté, enregistré, et m’a envoyé des centaines de parties, puis j’ai arrangé, monté, manipulé et combiné pour en arriver là, à ma vision de la musique de Madlib’ éclaircit Kieran Hebden.

De son côté, Four Tet a aussi de quoi faire parler de lui puisque, juste avant les fêtes, il a sorti deux albums, Parallel et 871, tous deux en écoute intégrale ci-dessous également.





. Star Feminine Band "Star Feminine Band" (Born Bad Records / 2020)

L’influence du Poly-Rhythmo de Cotonou continue de faire effet à chaque génération. On en veut pour preuve le Star Feminine Band qui est un groupe de sept musiciennes originaires de Natitingou âgées de 10 à 17 ans. Après s’être fait connaître dans leur Bénin national, elles visent très haut avec leur premier disque édité étonnamment chez Born Bad Records.




On appréciera d’emblée la fusion musicale du Star Feminine Band qui mêle garage-rock et influences aussi bien locales que cubaines tout au long de ces huit compositions féministes sentant bon le lo-fi et le rétro. Ici, le groupe chante l’émancipation de la femme sur des rythmes waama et ditmari notamment sur « Peba » en guise d’introduction mais également « Femme africaine » et « Montealla » où les chants harmonieux arrivent à nous emporter comme jamais.



Ici, le Star Feminine Band arrive à éveiller les consciences de son auditoire en chantant les conditions de la femme au Bénin. Que ce soit sur « La musique » ou encore sur « Idesouse » et sur « Timititu », le collectif béninois opère par leur charme qui se manifeste tout au long de ce premier disque aux messages fédérateurs et porteurs d’espoir. Comme quoi, communiquer leur culture ainsi que leurs revendications est toujours un moment grâcieux surtout en cette période trouble.







. Lambchop "Trip" (Merge Records / 2020)

Tiens, ça faisait un petit bout de temps que l’on était sans nouvelles de Lambchop. La dernière fois, cela remonte à l’année dernière lorsque le groupe avait publié This (is what I wanted to tell you) (chroniqué ici). Et bien un an et demi plus tard, les voici de retour avec l’album surprise nommé Trip.


Et quel trip d’ailleurs que ce nouvel album de reprises. En effet, Kurt Wagner et sa bande reprennent à leur sauce des standards qui leur tiennent tant à cœur sans en retirer l’essence. Ainsi, ce n’est pas un hasard si l’on croise une ribambelle d’artistes passés à la centrifugeuse de Lambchop que ce soit Wilco et leur morceau « Reservations » qui s’étire sur 13 longues minutes ou bien encore Stevie Wonder avec leur version psychédélique de « Golden Lady » et The Supremes avec « Love Is Here and Now You’re Gone ».



Ces six titres sont bien loin d’être anecdotiques dans la discographie de Lambchop. On voyage dans les inspirations du groupe sans pour autant renier son univers qui aura fait leur renommée notamment sur « Where Grass Won’t Grow » de George Jones et sur la plus rythmée et impulsive « Weather Blues » qui est un inédit de Yo La Tengo. Quoi qu’il en soit, on adhère à ce nouveau trip musical de Lambchop essentiel en cette fin d’année tumultueuse.





. Ela Minus "Acts of rebellion" (Domino Records / 2020)

Cette année est placée sous le signe de la révolte. Beaucoup trop de choses se sont passées pour que le monde hurle son ras-le-bol face à de multiples injustices qui passent sous nos yeux depuis bien longtemps. Et Ela Minus l’a très bien compris. Inconnue au bataillon, la musicienne, compositrice et productrice de Brooklyn et d’origine colombienne sait illustrer en musique cette vague de colère avec "Acts of Rebellion".



À mi-chemin entre techno-pop et synthpunk futuriste, Ela Minus est comme la majorité des citoyens estomaquée par les récents événements infligés aux minorités et elle le fait savoir. C’est à coup d’atmosphère sci-fi et de sonorités industrielles que la one-woman-band sort la grosse artillerie avec « N19 5NF » plantant le décor avec soin tout comme « they told us it was hard, but they were wrong » et « megapunk » à l’énergie insolente et contagieuse.

 

Sur Acts of Rebellion, le ton est donné. Avec des titres analogiques que sont « el cielo no es de nadie » ainsi que « dominique », les thématiques anticapitalistes reviennent à coup de messages percutants que l’on scanderait en musique. Ela Minus sait nous envoûter de la plus belle des manières avec « tony » et « do whatever you want, all the time » avant qu’Helado Negro ne vienne la rejoindre pour le coup de grâce final avec « close ». Une bande-son qui est dans l’ère du temps qu’est ce Acts of Rebellion incisif et hypnotique aux hymnes qui éveilleront la conscience de chacun.



. Oddisee "Odd cure" (Outer Note Label LLC / 2020)

H I P - H O P




. Amani + King Vision Ultra "An Unknown infinite" (Purple Tape Pedigree / 2020)

H I P - H O P



. Dark Quarterer "Pompei" (Cruz del Sur Music / 2020)

 M E T A L 




. Kenny Segal "Kenstrumentals vol.4 : a lot on my plate" (Dome of Doom Records / 2020)

H I P - H O P   I N S T R U M E N T A L 


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