La Sélection Bandcamp #2 Médiathèque de Tassin jeudi 19 septembre 2019


Au programme de ce second volet, du rap québécois, du rock francilien, ...

un album inspiré  par les « Big Chiefs », les chefs indiens de Mardi Gras, à la Nouvelle-Orléans, de l'afro-electro tout droit venue de Kinshasa, et beaucoup d'autres belles choses à écouter ! Et toujours gratuitement sur notre plateforme de streaming préférée !

. Jenny Hval "The Practice of love" (Sacred Bones Records, 2019)
Jenny Hval avait tutoyé les sommets il y a trois années de cela avec son album "Blood bitch".
La musicienne a reçu une tonne de nominations aux Spellman Awards confirmant sa consécration. De l’eau a coulé sous les ponts depuis et la voici de retour avec son septième album intitulé "The Practice of love".
Après avoir exploré le thème du sang et des menstruations sous toutes ses formes, Jenny Hval revient à une thématique beaucoup plus saine. Avec l’aide de nombreuses collaboratrices, la norvégienne redéfinit la féminité la plus pure à travers ces huit nouvelles compositions à mi-chemin entre électronique avant-gardiste et pop théâtrale. Débutant avec un « Lions » conviant Vivian Wang, notre hôte et ses invités poussent l’auditeur à la réflexion (“Look at these trees / Look at this grass / Look at those clouds / Look at them now / Study this and ask yourself: Where is God ?”) à travers ces textures musicales rêveuses dont seul la norvégienne a le secret.
Le périple se poursuit avec l’atmosphérique « High Alice » et le méditatif « Accident » mené aux synthés cosmiques où notre hôtesse ainsi que Laura Jean apportent une mûre réflexion sur la maternité, le travail et les raisons de notre existence (« Once she was a mystery of life and now she is skyping with her friend »). Après une séquence de spoken-word sur le morceau-titre conviant de nouveau Laura Jean et Virginia Wang parlant sur le concept de l’amour sur le morceau-titre bien inquiétant, Jenny Hval retient toute notre attention avec un « Ashes to Ashes » plus percussif ou encore le frénétique « Six Red Cannas » frôlant les ambiances rave.
Entre deux morceaux bien agités, des moments méditatifs surgissent avec « Thumbsucker » aux saxophones triomphants et la conclusion pop planante nommée « Ordinary » rendant ce The Practice of Love une belle expérience auditive. Pour ce septième album, la musicienne norvégienne (ainsi que ses invitées de prestige Vivian Wang, Félicia Atkinson et Laura Jean) prouve qu’elle sait explorer un thème en analysant toutes les parties pour en faire un disque court certes mais complètement attachant.
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. Nola Is Calling "Sewing machine effects" (Jarring Effects, 2019)
Après "Cape Town effects" en Afrique du Sud et D.Lights dans la ville de Detroit, le label débarque avec ses micros et caméras dans le bayou, au cœur de la tribu des « Black Indians ». C’est dans cette zone marécageuse du sud de la Louisiane que les amérindiens ont rencontré et aidé les esclaves en fuite. De cette conjoncture a jailli un esprit farouche de résistance. Cet élan de liberté se retrouve dans une culture commune toujours présente aujourd’hui dans les déambulations festives des mardis gras et dans les chants incantatoires vaudous. Cette musique faite de brassages et de rencontres à débouché sur un projet sonore inédit. Un mélange habile de polyrythmies africaines avec du jazz et du hip-hop, de rituels indiens et d’électro, c’est l’appel des « Big Chiefs », les chefs indiens de Mardi Gras des rives du Mississippi… Nola is CALLING ! Découvrez le superbe opus entre autre mené par David Walters et explorez également le riche catalogue du label lyonnais Jarring Effects !
     
. The Souljazz Orchestra "Chaos theories" (Strut, 2019)
Le sextuor d'Ottawa est de retour avec son groove survitaminé et militant sur son 9ème album !
Claviers incandescents, cuivres enivrants et groove rythmique irrésistible, le tout associé à des textes rageurs et sans concessions. Depuis plus de 17 ans The Souljazz Orchestra n'a de cesse de se renouveler musicalement en s’inspirant d’un large éventail de genres avec sa fusion powerful de musiques latines, caribéennes, afro, soul et jazz. Pour son neuvième album, "Chaos theories", le collectif canadien et son leader Pierre Chrétien y ajoutent des sonorités britanniques du début des années 80, alternant titres fiévreux et instrospectifs, des couleurs punk, disco ou reggae déjà utilisées dans leur précédent projet "Under burning skies".


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. Limousine "L'Été suivant" (EklerkO'Shok, 2019)
“L’été suivant…”, le quatrième album du quatuor français Limousine entretient toujours, comme ses prédécesseurs, ce mystère autour d’une musique indolente difficile à circonscrire, entre jazz, pop et easy-listening détourné.
Limousine est un projet parallèle mais essentiel pour les musiciens qui y participent. C'est une récréation, un groupe sans chanteur, qui avec les années s'est transformée en un rituel pour ces quatre garçons formés au jazz, dérivant depuis vers de bien différents rivages, et qui suivent des carrières variées – au sein de formations bien connues et auprès d'artistes réputés (Poni Hoax, Jeanne Added, Thomas de Pourquery, Joakim). 
David Aknin (batterie), Laurent Bardainne (saxophone, claviers), Maxime Delpierre (guitare) et Frédéric Soulard (claviers) se sont réunis autour d'une envie commune, il y a environ quinze ans ; celle de jouer ailleurs que dans les repaires des musiques radicales et improvisées. L’envie aussi de se divertir en interprétant librement des standards jazz et pop – ou des compositions qui y ressemblent – de préférence assis sur scène, et en costumes. L'idée s'est matérialisée par un premier album en 2005 sorti sur le label Chief Inspector.


“L’été suivant…” est aujourd'hui le 4ème album de Limousine après “Siam roads” en 2014, déjà publié chez Ekler’O’Shock. Là où ce précédent projet tournait autour d'un voyage en Thaïlande, d'une rencontre initiatique avec un musicien traditionnel de la région du Isaan, ce nouveau disque ne suit aucune route si ce n'est celle de la fantaisie et de la flânerie. Il est le résultat d'une méthode de travail simple : le quartet s'est réuni ces trois derniers étés, entre la fin juillet et le début août, dans le même studio du 18e arrondissement. En général, c'est à ce moment de la saison que Paris commence à se vider et que l'ambiance de la capitale oscille entre légèreté, spleen, impatience et sérénité. C'est entre autres ce qui résonne dans ce disque : une forme de détachement gracieux, une nonchalance grisante.

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. Mike Patton & Jean-Claude Vannnier "Corpse flower" (Ipecac, 2019)
La rencontre du chanteur de Faith No More et du compositeur français est assez inattendue.
C’est oublié que Jean-Claude Vannier a collaboré avec d’autres rebelles et pas des moindres : Nougaro, Polnareff, Gainsbourg notamment. C’est d’ailleurs lors d’une rétrospective consacrée à ce dernier que les deux hommes se sont rencontrés. Réalisés entre San Francisco et Paris avec des musiciens différents puis mixé par Husky Hoskulds, "Corpse flower" est un ovni musical, un album inclassable et quelque peu vénéneux.



. Daymé Arocena "Sonocardiogram" (Brownswood Recordings, 2019)
La jeune prodige revient avec "Sonocardiogram", un album enregistré à La Havane où elle joue librement, et avec quel talent, sur toutes les nuances du patrimoine cubain.


C'est à un voyage intime à travers toutes ses influences musicales, spirituelles et personnelles que vous invitera Daymé, en compagnie de musiciens cubains de premier ordre et sous le spectre de la Santeria. Un voyage également à travers les multiples rythmes Afro-cubains qu'elle cultive depuis son enfance, arrangés avec l'élégance de la musique classique (qu'elle a étudié) et sublimés par ses expériences dans le jazz.
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. Aldorande "Aldorande" (Favorite Recordings, 2019)
Le premier album éponyme du quartet français vous embarque sur la planète jazz-funk des années 70.

L'équipage d'Aldorande, mené par le bassiste Virgile Raffaëlli, réunit les claviers de Florian Pellissier, la batterie de Mathieu Edouard, (compagnons de scène au sein du septet parisien Setenta) et les percussions d'Erwan Loeffel (déjà apprécié sur l'album "Bijou voyou caillou" de Florian Pelissier avec Arthur H, Anthony Joseph et Roger Raspail). Le quartet Jazz-Funk est dans la mouvance des oeuvres du compositeur et pianiste Janko Nilovic empruntant au jazz, au funk, à la pop, au Easy Listening, et des musiques du groupe mythique Cortex qui a marqué les années 70. ​

Le jeu fluide du bassiste et son phrasé au groove imparable emmènent le groupe sur des compositions aériennes très simples, jouées sans sons numériques et sans recours au digital. Bienvenus(es) dans le cosmos pour une épopée onirique avec l'album "Aldorande", paru sur l'excellent label français Favorite Recordings.


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. Kokoko! "Fongola" (Transgressive Records, 2019)
Né en 2016 de la rencontre inédite entre un groupe de musiciens de Kinshasa et le producteur français Xavier Thomas alias Débruit, KOKOKO! est sans conteste l’un des projets musicaux les plus réjouissants et créatifs de ces trois dernières années. En un EP et une poignée de singles distillés depuis 2017, le collectif franco-kinois a su rapidement se constituer une base solide d’adeptes et se faire une place non négligeable dans les programmations et les festivals du monde entier.

Si, de manière générale, la pauvreté domine inlassablement la République Démocratique du Congo, la ville de Kinshasa a – elle – toujours été l’une des contrées les plus foisonnantes et électrisantes de l’Afrique, notamment sur le plan culturel et musical. De la misère est née cette forme de créativité sans limite, qui peut parfois contenir quelques relents politiques et contestataires, mais qui s’affiche surtout comme une véritable invitation à la fête et une sincère ode à l’esprit punk et DIY. Il ne manquait donc à KOKOKO! qu’un premier album pour sceller cet impressionnant début d’aventure.




Fongola, c’est son titre, est un mélange unique d’instrumentations bricolées, de beats entrainants et de chants possédés. Le fruit inédit des expérimentations sonores propres aux quartiers de Kinshasa associées à l’oreille musicale et aux talents de production de Débruit. On entend ici des batteries faites de bidons et de boites de conserve vides, des percussions exécutées à partir d’une vieille machine à écrire, ou bien encore une guitare constituée d’une seule corde sur un simple manche à balai. Un mélange astucieux dont le producteur français a su garder toute la spontanéité en y insufflant sobrement un peu de relief, notamment à l’aide de synthés et d’une boite à rythmes TR-808. Ça flirte avec la transe, parfois avec le psychédélisme, et ça fait bougrement bouger son derrière comme jamais.

Pour le plus grand bonheur de tous, KOKOKO! a su faire entendre sa voix bien au delà des frontières de Kinshasa, mettant au monde l’une des créations les plus singulières que la musique ait pu nous offrir ces dernières années. Le résultat est percutant, innovant, brut mais maitrisé, et instaure Fongola comme l’œuvre lo-fi la plus débordante de créativité et de modernité depuis le Congotronics de Konono No.1 ou bien encore les génialissimes premiers albums du Staff Benda Bilili et de Mbongwana Star.

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. FouKi "ZayZay" (7ieme Ciel Records, 2019)
Deux ans et demi. C’est le temps séparant la sortie du premier mixtape Plateau Hess de ce nouvel album ZayZay. Le temps que FouKi a mis pour passer de l’anonymat à se produire sur les plus grosses scènes du Québec. Son premier « vrai » disque, Zay, a été lancé le printemps dernier ; quelques semaines plus tard, il avait des dizaines de milliers de fans à ses pieds à la place des Festivals, chantant avec lui l’air du succès de l’été (et de l’été précédent), Gayé. « De l’adrénaline à l’état pur, c’était fou. Je suis monté sur scène, je ne savais même pas quoi faire… Ça a été comme une consécration. J’avais ma place dans le “Rapkeb Allstarz” ». Deux ans et demi ? Une ascension qui s’est faite en un claquement de doigts.



ZayZay est officiellement le deuxième album de FouKi, mais la carte de pointage indiquerait plutôt quelque chose comme le troisième ou quatrième album, certains EP étant plus longs que d’autres. « Quant à moi, c’est comme mon premier », insiste le jeune MC. Dans le sens du plus abouti, précise-t-il. Le mieux travaillé, « le disque où je ne me dis pas : “Oh, j’aurais dû mettre une chanson dans tel style”, ou : “Ah merde, cette chanson-là, je suis moins down avec…” »

Le rappeur, on l’aura compris, est d’abord une bête de studio. Son style vocal, une prosodie languissante et naturellement mélodieuse — style singjay pour reprendre l’expression propre au dancehall jamaïcain qu’il affectionne tant —, il l’a développé entre quatre murs isolés du son, avec la complicité de son compositeur-réalisateur attitré QuietMike. « Beaucoup d’idées de chansons nous viennent dans l’auto, en tournée, raconte FouKi. [Mike] commence un beat, j’accroche en commençant une rime. En [tournée en] Europe aussi, on a trouvé beaucoup d’idées. Parfois, c’est juste moi dans le sous-sol qui commence une chanson et Mike la finit. »

Du concentré de FouKi en dix-huit chansons. À l’échelle de Drake, « ça aurait pu être un album double » auquel collaborent Koriass, le jeune collègue Vendou, les illustres collègues Obia le Chef, Jam et KNLO, Eman, Robert Nelson et Maybe Watson d’Alaclair Ensemble — c’est, pour reprendre le mot de Nelson, « la troupe de théâtre 7ièmeCiel », référence à la maison de disques. Le Belge Isha et le Français Lord Esperanza aussi, sur l’excellente Faut c’qui faut, un retour d’ascenseur après la collaboration que FouKi a faite sur la chanson Audigier (SkulaBanks) de la jeune sensation Esperanza. Côté rythmiques, en plus de QuietMike, le vétéran RuffSound et les nouveaux talents Pops, Vince James, Kable Beatz, Kevin Figs, Xixool et Tsonky.


Brittany Howard "Jaime" (ATO Records, 2019)
La chanteuse des Alabama Shakes retrace sa douloureuse jeunesse dans le Sud raciste des États-Unis. Et en tire un funk puissant.

Au tournant de la trentaine, Brittany Howard en a déjà beaucoup vu. Le triomphe épuisant de son groupe rock et soul, Alabama Shakes, l’a poussée à fuir le Sud de sa jeunesse pour les déserts du Grand Ouest, où elle a commencé à écrire son autobiographie. Le livre est resté en plan, mais les souvenirs en pagaille nourrissent le premier album solo d’une femme qui fut longtemps condamnée à la plus grande solitude. Cousu sur une trame profondément mélancolique, le disque porte le nom — Jaime — de sa sœur morte pendant l’enfance ; il explore des émotions lourdes ou intenses qui accompagnent la chanteuse depuis ses premières années à Athens, dans l’Alabama. Sans détour, elle dépeint le racisme ordinaire. Des pneus crevés, une tête de chèvre sanguinolente déposée dans la voiture familiale parce que sa mère couchait avec son Noir de père (Goat Head).

Sur Georgia, la chanteuse, qui portait haut son homosexualité dans le milieu encore conservateur de la musi­que du Sud, raconte l’éveil de l’amour entre deux très jeunes filles. Elle chante aussi sa relation très singulière avec Dieu et explique qu’elle devait l’assumer seule, sans mêler les Alabama Shakes à ce disque profondément personnel. Musicalement, Brittany Howard s’affranchit. Jaime est un album de funk moderne, tenu par un rythme lourd et puissant, mais ouvert aux expérimentations, grâce notamment au pianiste génial du jazz d’avant-garde Robert Glasper. On dérive du côté des délires électriques de Prince ou Funkadelic, ou d’une rage blues dépouillée à la Nina Simone, mais Jaime a un fort centre de gravité, celui d’une voix et d’une personnalité de plus en plus captivante.