La Sélection Bandcamp #4 Médiathèque de Tassin mardi 30 juin 2020


Après cette pause (un peu longue non ?), nous voici de retour avec une nouvelle sélection musicale éclectique... et toujours gratuite ! Bonne écoute !

Et on commence avec notre coup de cœur du moment, au thème tristement d'actualité...

Sault "Untitled (black is)" (Forever Living Originals, 2020)


Ahmaud Arbery, Breanna Taylor, George Floyd, Elijah McClain, Adama Traoré. Ces noms sont à ne pas oublier. Tout simplement parce que c’étaient des personnes noires qui ont perdu leur vie de façon intolérable face à l’incompétence de la police que ce soit aux États-Unis ou en France. Alors forcément en cette pleine pandémie, c’est la goutte d’eau qui a débordé le vase avec ce flot d’indignations et de manifestations violentes tournant aux émeutes dans le monde entier. Fort heureusement, on peut toujours trouver une ressource qui peut illustrer ce ras-le-bol: l’album Untitled (Black Is) de SAULT.


Il y a beaucoup de disques de ce genre qui illustrent parfaitement le mouvement Black Lives Matter qui prend de plus en plus d’ampleur ces derniers temps. On pense à "To Pimp A Butterfly" de Kendrick Lamar qui est la référence-clé. Et quelque chose me dit que ce disque de SAULT serait LE disque qui traduirait le ras-le-bol de la communauté afro-américaine (et pas seulement) face aux bavures policières qui subissent depuis des décennies, la montée du racisme anti-Noirs, la suprématie blanche et bien sûr l’administration Trump qui ne cherche qu’à diviser le pays. Forcément, le mystérieux groupe britannique décide de frapper le poing sur la table. Dès l’introduction intitulée « Out The Lies », le ton est donné.


Mélant sans vergogne soul, funk, gospel et R&B alternatif avec une sensibilité hip-hop et même post-punk, SAULT n’y va pas par quatre chemins. Nul besoin d’enjoliver les choses car au milieu des interludes rappelant à quel point les conditions des Noirs américains sont défavorables tandis que les titres ambitieux et lo-fi à la croisée des genres de la Black Music comme « Stop Dem », « Hard Life » ou même « Wildfires ». On peut aussi bien passer au rhythm’n’blues efficace avec l’entêtant « Don’t Shoot Guns Down » ou à des moments plus enivrants que sont « Sorry Ain’t Enough » et « Why We Cry Why We Die » demandant justice et réparation. Untitled (Black Is) verra l’occasion d’inviter le prodige Michael Kiwanuka qui sort de sa zone de confort en empruntant des sonorités afro-funk sur l’incendiaire « Bow » dédiée au continent africain opprimé ou bien encore Laurette Josiah qui lance un pamphlet remarquable sur « This Generation » insistant que cette génération en a quelque chose à foutre.

Le collectif britannique n’y va pas par quatre chemins en précisant que ce cycle se répète et qu’il est temps de le briser. Avec des titres riches en ambiances particulières comme « Eternal Life » et « Monsters », il est clair que le discours de SAULT ira attirer notre attention avant de se remettre à Dieu sur la fin de l’opus avec « Miracles » et « Pray Up Stay Up » espérant que la condition des Noirs s’améliore et que nous soyons la dernière génération à se battre pour nos droits. Avec Untitled (Black Is), le collectif ne passe pas par quatre chemins. Le ton est sombre et radical mais largement suffisant pour que l’auditoire s’imprègne de ce vent de colère qui souffle dans les quatre coins du monde suite à l’ère Black Lives Matter qui s’élève de plus en plus. À écouter religieusement.


Shake Stew "Gris Gris" (Traumton Records, 2019) 


Le groupe autrichien Shake Stew est devenu un phénomène. Ils ont connu un énorme succès, non seulement à domicile, mais dans toute l'Europe, devenant ainsi l'un des groupes les plus en vue du circuit. Ils ont même propagé leur son unique bien plus loin, incluant une vaste tournée au Canada avec des concerts remarqués au Festival de jazz de Montréal ainsi qu’au North Sea Jazz Festival.
Le groupe a également attiré l'attention du plus grand journal allemand, Die Zeit qui, dans un geste inhabituel, a envoyé un de ses journalistes passer 5 jours avec le groupe pour couvrir sa résidence d'été au Jazz Club Unterfahrt de Munich, ce qui a eu un effet euphorisant.

Au Royaume-Uni, ils sont encore peu connus, avec un festival confirmé pour l'année prochaine, mais cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas attiré l’attention : BBC Radio 3 a diffusé un concert en direct plus tôt cette année et Jazz FM a été l'un des premiers partisans de leur dernier album “Rise and Rise Again”, avec Shabaka Hutchings. Fort de ce succès, le groupe sort son troisième album studio “Gris Gris” chez Traumton



La configuration inhabituelle du groupe - 2 batteurs, 2 bassistes et 3 cuivres - est l'une des clés du succès de ce groupe de 7 musiciens. La section rythmique percutante de Nikolaus Dolp et Mathias Koch, avec les deux bassistes, Lukas Kranzelbinder et Oliver Potratz, créent la caisse de résonnance de trois des plus impressionnants souffleurs de la scène européenne - Clemens Salesny, Johannes Schleiermacher et Mario Rom - conduits à se dépasser. Cette instrumentation, qui au premier abord semble un peu étrange, se fond harmonieusement, créant la marque de fabrique Shake Stew. Les ajouts du Guembri (luth basse marocain) - sur lequel Kranzelbinder joue depuis un certain temps déjà - et de la flûte, ajoutent encore plus de texture à ce qui est déjà un équilibre complexe de sons. Avec les 9 titres sur “Gris Gris” écrits par Kranzelbinder, Shake Stew a encore une fois sorti le lapin du chapeau.

DJ Shadow "Our Pathetic age" (Mass Appeal, 2019)


A ce stade, il n’est plus du tout nécessaire de présenter DJ Shadow. Toujours est-il que le légendaire DJ et producteur nous avait quitté avec un "The Mountain will fall" mi-figue mi-raisin il y a trois années maintenant. Mais rassurez-vous car le californien a décidé de revenir en puissance avec un double-album intitulé Our Pathetic Age avec un thème toujours aussi d’actualité.

Sur ce nouveau disque, DJ Shadow veut se heurter aux peurs de notre époque aveuglée par les nouvelles technologies. Il en résulte une première partie instrumentale s’ouvrant sur des distorsions grésillantes de « Nature Always Wins » avant de prendre des couleurs plus lumineuses. Partagé entre electronica pure et dure (« Singblade », « Intersectionality », « Weightless ») et moments plus expérimentaux et peu facile d’accès, il en ressort des degrés d’excellence bien variés. Les drums agités et accélérés du jazzy « Beauty, Power, Motion, Life, Work, Chaos Law », de l’étrange « Juggernaut » ou les influences footwork de « My Lonely Room » contrastent avec des instrus plus efficaces comme l’énergique « Rosie » comptant son sample vocal quasi-tribal mais encore les très belles pièces pianistiques de « Firestorm », « We Are Always Alone » et « If I Died Today ». Une fois de plus, DJ Shadow alterne modernité et archaïsme mais ne réussit pas toujours. 



La seconde partie laisse recours à l’intervention des guests, un peu comme sur ses albums précédents comme le décrié The Outsider. DJ Shadow invite la crème de la crème du monde du hip-hop comme les légendes du Queens Nas et Pharoahe Monch sur l’instru bionique « Drone Warfare » ou le Wu-Tang Clan (Ghostface Killah, Inspectah Deck et Raekwon) sur l’inquiétant « Rain On Snow » et De La Soul sur le groove triomphal de « Rocket Fuel ». Alternant sonorités hip-hop old school avec une pointe de futurisme et de sonorités trap modernes comme sur « Small Colleges (Stay With Me) » conviant le rappeur Wiki et les douces harmonies de Paul Banks d’Interpol mais également sur « Taxin' » avec Dave East et l’entraînant « Kings & Queens » avec Run The Jewels, Our Pathetic Age se veut être un pot-pourri musical où chacun trouve son compte. Une pointe de funk, soul et R&B peut s’y trouver comme sur « Dark Side Of The Heart » avec Fantastic Negrito, sur le morceau-titre avec Sam Herring de Future Islands et sur « Two Notes » avec l’illustre inconnu Barry Fletcher qui se lance dans une imitation à peu près correcte d’Anderson .Paak.

Avec Our Pathetic Age, DJ Shadow nous offre un album où l’on trouve de tout mais avec tout de même une trame originale. Celle où dans un monde aveuglé par les technologies d’aujourd’hui nous menant vers des contrées obscures, on trouve toujours de la lumière dans la noirceur.

Floating Points "Crush" (Ninja Tune, 2019)


Personne ne pouvait prédire la consécration de Floating Points avec son premier album nommé "Elaenia"(Pluto, 2015) paru il y a quatre années de cela. L’ex-docteur en neurosciences britannique Sam Shepherd a incarné le visage de la musique électronique du futur. Après avoir publié une poignée de sorties et fait le tour du monde durant ces longues années, il effectue enfin son retour avec son second disque intitulé "Crush".

Si son premier album fut composé en cinq ans, celui fut mis en boîte en cinq semaines. C’est surement la volonté de Floating Points de composer un disque plus spontané et immédiat. Dès lors, on entre dans le vif du sujet avec l’introduction nommée « Falaise » aux influences néo-classiques qui alterne le calme et la tension tout comme sur le bien-nommé « Requiem For CS70 and Strings » et « Birth » où les sonorités organiques flirtent à d’autres plus électroniques.  



Mis à a côté de ces moments faussement sereins, Crush se veut plus percutant et agressif. Et c’est là que Floating Points compte nous impressionner en allant puiser vers la bass music avec les allures sci-fi de « Anasickmodular » qui flirte avec les sonorités indus mais également de « Bias » et « Environments » qui sait contraster mélodie mélancolique aux boîtes à rythme déchaînés. On y décèle des sonorités disco sur l’énergique « LesAlpx » ou plus ambient avec « Sea-Watch » où l’on a l’impression d’entendre des notes de clavier tomber comme des gouttes de pluie avant que la tempête se déchaîne de nouveau sur la diptyque « Apoptose » qui clôt ce bal bien intense.
On alterne moments de rêverie et moments beaucoup plus rentre-dedans sur ce second album où Floating Points effectue un virage à 90°. Sam Shepherd privilégie la spontanéité pour nous offrir un disque plein de vie où les influences jazz, disco, bass music, ambient se retrouvent. Un véritable crush musical.

Disque disponible à la MédiaLune


Bananagun "the True story of bananagun" (Full Time Hobby, 2020)


Chaque année son lot de révélations made in Melbourne. Et cette année 2020 aussi merdique qu’elle soit nous offre quand même quelque chose d’on ne peut plus rafraîchissant qu’est Bananagun. Il s’agit d’un quintet qui mêle énormément d’influences musicales comme la pop psychédélique, la funk et l’Afrobeat comme l’atteste leur premier disque nommé "The True Story of Bananagun".


Avec ses onze morceaux, Bananagun sait raconter leur propre histoire en effet. C’est ainsi que le quintet de Melbourne mené par le chanteur, guitariste et flûtiste Nick van Bakel nous invite à lâcher prise sur des titres lumineux et exotiques comme l’introduction nommée « Bang Go The Bongos » nous menant directement en Amérique du Sud. The True Story of Bananagun nous promet de belles vibes ensoleillées et c’est tout simplement le programme de cet opus.

Alternant la pop fuzzy brésilienne avec « Out Of Reach » qui a squatté notre Soundbombing mais encore « She Now » et la funk psychédélique de « The Master » à « Freak Machine » en passant par « Mushroom Bomb », Bananagun sait comment ensoleiller notre quotidien. Il suffit juste de nous emmener dans des contrées exotiques avec entre autres « People Talk Too Much » lorgnant vers l’afrobeat ou encore d’autres pièces festives et psychédéliques que sont « Perfect Stranger », « Modern Day Problems » ainsi que le final qu’est « Take Present For Granted ». Avec The True Story of Bananagun, le groupe de Melbourne nous redonne la banane pour ce début d’été qui commence plutôt bien.

United Vibrations "The Myth of the golden ratio" (Ubiquity, 2020)

Leur album "The Myth Of The Golden Ratio" est sorti chez Ubiquity en février 2016 et il est aujourd'hui réédité & écoutable sur notre plate-forme préférée... Coup de projecteur sur quatre garçons qui chantent la paix...

"On a commencé dans les rues de Londres. Au début, on ne jouait que quatre compositions. Depuis, on a de nouvelles chansons et notre travail commence à germer"
 
explique Ahmad Dayes qui alterne trombone et chant pour United Vibrations.


Aux influences multiples, United Vibrations jongle entre le reggae, les rythmes afros et les sons des années 70 : "On veut tisser des liens entre la musique du passé et celle de demain pour créer quelque chose de frais", ajoute Ahmad Dayes. Ces quatre musiciens marient avec une très grande maîtrise, le funk, l’afro-beat, la soul, le hip-hop ainsi que le rock pour créer un son unique.

Jazzmen d'une nouvelle génération, ils cherchent à transmettre un message de tolérance, de paix et d'amour : "Le monde change. On souhaite le transformer en un environnement meilleur", ajoute Wayne Francis, saxophoniste, claviériste et chanteur.