La Sélection Bandcamp #5 Médiathèque de Tassin jeudi 27 août 2020 Aucun commentaire

 





Après une pause estivale bien méritée, nous voici de retour avec une nouvelle sélection musicale éclectique... et toujours gratuite ! Bonne écoute !


Various Artists "Total 20" (Kompakt, 2020)

A l'occasion de la parution du volume 20 de l'indispensable série "Total" du non moins séminal label de Cologne, Kompakt, nous vous proposons de (re)découvrir et de (ré)écouter ces anthologies...

Deux décennies, 20 ans, 20 compilations et plus de 400 morceaux emblématiques du paysage électronique allemand et international !








Découvrez la quasi-totalité des parutions Kompakt sur le BANDCAMP du LABEL
Le magasin de disques de Kompakt. ©Thomas Freteur / outoffocus.be pour Télérama.fr


Househead Samira "Radio Safia" (Traumton Records, 2019) 

Il n’y a vraiment aucune frontière pour faire de la musique électronique de qualité. La dernière grosse claque house de ces derniers mois se nomme Househead Samira qui est une DJ et productrice qui vient tout droit de Sousse, en Tunisie. Et quelque chose me dit qu’elle va soulever la scène musicale ces prochains mois. Vous me croyez pas ? Allez donc écouter son premier EP nommé Radio Safia et vous comprendrez que celle qui fut découverte par Big Dope B, fondateur du label londonien Moveltraxx, va faire un malheur.



Composé de quatre titres, la house survitaminée et volontairement surannée de Househead Samira aura de quoi nous faire danser jusqu’au bout de la nuit. Il n’y a qu’à juger les écoutes de l’introduction ultra-funky qui a de quoi rappeler un peu Basement Jaxx dans sa démarche. La DJ franco-tunisienne est en mode années 1990 avec des bangers festifs et volontairement old-school de « Slow Down » et de « Arco Iris » aussi bien nostalgiques que contemporains avant de s’achever avec un explosif « Overalls ». Avec Radio Safia, Househead Samira ira nous enjailler jusqu’à la fin de cet été et sort le grand jeu à un tel point qu’on attend un premier long-format de sa part.



 


"Tchic Tchic : french bossa nova (1963-1974)" (Born Bad Records, 2020) 


En juillet 1958, João Gilberto sort la chanson Chega de saudade, signée Antônio Carlos "Tom" Jobim (pour la musique) et Vinícius de Moraes (pour les paroles), titre fondateur du mouvement musical hérité de la samba, la bossa nova. « Par le style, la cadence, pour tout, c'est de la samba. Au tout début, on n'appelait pas encore ça de la bossa-nova, nous chantions « une petite samba faite d'une seule note - Samba de uma nota so.... La discussion sur les origines de la bossa-nova est donc inutile » explique Gilberto. 


Avec ses harmonies sophistiquées cette musique délicate et sensuelle connaît son âge d'or à Rio jusqu'au coup d'Etat militaire de 1964, ses grands interprètes vont pour la plupart s'exiler, mais la bossa nova a déjà envahit la planète, inspirant les grands jazzmen américains comme le trompettiste Dizzy Gillespie ou le guitariste Charlie Byrd et transformant les codes de la chanson française de 1963 à 1974. Le label Born Bad Records a sélectionné 22 trésors de cette "appropriation culturelle" de la bossa et de ses dérivés sur sa compilation TCHIC TCHIC - French Bossa Nova - 1963​/​1974



Cette collection de titres rares ou oubliés nous plonge au coeur de cette décennie où les artistes et les producteurs français vont trouver dans la musique brésilienne cette énergie et cette chaleur exotique synonyme du cool, idéale tant pour les ballades sentimentales que pour les tubes dansants ou les envolées militantes. Bossa nova, Rythmes afro-brésiliens, samba jazz, funk carioca ou pop de Bahia vont alors rayonner sur les ondes françaises avec des titres comme Casa Forte d'Isabelle Aubret avec une reprise d' Edu Lobo, Il faut tenir du groupe Les Masques (qui cache entre autres Nicole Croisille et Pierre Vassiliu), le déjanté Vai Vai de Jean-Pierre Sabar, Le petit cuica de l'américaine naturalisée française Marpessa Dawn, le Corto Maltese de Sylvia Fels, Jusqu'à la tombée du jour d'Isabelle de Funès, De jour en jour de Sophia Loren ou encore Si rien ne va de Billy Nencioli & Baden Powell. En tout 22 pépites témoins de l'extraordinaire richesse musicale de cette scène française qui rêvait d'ailleurs.

Mulatu Astatke & Black Jesus Experience "To know without knowing" (Agogo, 2020)

C'est en 2009 à Addis-Abeba que Mulatu Astatke a croisé la route de Black Jesus Experience, une communauté de douze jeunes musiciens au groove acéré née du multiculturalisme créatif de l'Australie. Adoubé par le parrain de l’éthio-jazz, le collectif a enregistré l'album Cradle of Humanity en 2016 avec le multi-instrumentiste éthiopien qui renouvelle cette collaboration florissante sur Kulun Mankwaleshi, premier titre puissant de l'album To Know Without Knowing attendu le 15 mai sur le label allemand Agogo Records.


Kulun Mankwaleshi est une chanson de mariage éthiopienne traditionnelle où la polyrythmie hypnotique et les chœurs africains se joignent à la mélodie sensuelle et aux orchestrations funk et jazz dans une célébration extatique soutenue par les chorus puissants du saxophone mesmérique de Peter Harper. Sur cet album les musiciens célèbrent aussi le peuple des premières nations d'Australie, conjuguent éthio-jazz, reggae et musiques latines ou revisitent le classique de Mulatu Astatke, Mascaram Setaba... To Know Without Knowing est une oeuvre magistrale sur laquelle le vibraphoniste et son groupe sont rejoints par une myriade d'invités comme le bugliste Ian Dixon, le guitariste Zac Lister, la chanteuse de Melbourne Vida Sunshyne ou le pianiste de jazz Bob Sedergreen.

 


Blundetto "Good godd things" (Heavnely Sweetness, 2020)



Il y a une décennie de cela, Blundetto avait débarqué avec un album nommé "Bad Bad Things". Ceci officialisait la sublime discographie de l’ancien programmateur de Radio Nova qui possède une affinité pour le reggae et le rocksteady remis au goût du jour. Et au fil des albums, le musicien a su se diversifier jusqu’à ce nouveau disque intitulé "Good Good Things" qui survient pile à ce solstice d’été.


Une fois de plus, Blundetto prône le métissage musical que ce soit au niveau des sonorités que des invités. Avec cette ambiance toujours aussi tropicale et ouatée teintée de vintage, le producteur nous offre un énorme panel de sons tandis que l’on voyage vers le Brésil avec Leonardo Marques qui nous offre une sublime relecture de « Menina Mulher de Pele Preta » de Jorge Ben ainsi que sur « Atras Desse Ceù » ainsi qu’en Amérique Latine avec le bien-nommé « Tengo Fe » conviant Chico Mann.

Bien évidemment, le producteur dijonnais n’oublie pas ses influences jamaïcaines avec les allures rocksteady de « Feel The Cold » et de « Fly High » conviant Hindi Zahra ou dub champagne avec « Canasta » conviant Telly (plus connu sous le nom de Biga* Ranx). Mais cela n’empêche pas pour Blundetto d’élargir ses horizons sur Good Good Things en allant chiller du côté de « Barcelona » avec le rappeur Crimeapple alternant anglais et espagnol (révélé par DJ Muggs de Cypress Hill) ainsi que Kahina Ouali ou de nous offrir des morceaux instrumentaux immersifs comme le riddim vaporeux de « Bingi ». Quelque chose nous laisse à penser qu’il s’inspire aussi bien d’El Michels Affair sur « Sunday In The Club » que de la musique cubaine sur « Pais Azucar » et « Mo’ Dinero » ayant de quoi montrer sa versatilité plus que complète.

En somme, Good Good Things ira placer Blundetto sur un autre plateau. Celui où le chef-d’orchestre prend la place de producteur. Il ne fait aucun doute que le monsieur nous gâte avec sa musique étonnamment métissée et envoûtante et cela dure depuis une belle décennie maintenant.



The James Hunter Six "Nick of time" (Ubiquity, 2020)

En maintenant son rythme d’un album tous les deux ans, The James Hunter Six est devenu un acte important de la scène soul britannique. On les avait laissé avec un Whatever It Takes qui remplissait toutes ses promesses. Alors forcément, ils étaient attendus au tournant avec leur successeur nommé Nick Of Time.


Une fois de plus, on se remet dans le bain avec The James Hunter Six et leur sublime mélange de rhythm’n’blues et de soul vintage comme on en fait plus. On appréciera une fois de plus la voix de velours du soulman romantique de James Hunter qui ne prend jamais une ride avec « I Can Change Your Mind » qui ouvre le bal nous ramenant de cinq à six décennies en arrière tout comme les somptueux « Who’s Fooling Who », « Till I Hear It From You » et « Missing In Action ». Que les éternels mélomanes du son Daptone Records se rassurent, nous voici conquis.


Rappelant aussi bien Sam Cooke qu’Otis Redding, Nick of Time ira ravir les fans de soul, de rhythm’n’blues et de gospel d’antan grâce à des morceaux toujours aussi romantiques allant de « Brother or Other » à « How Bout Now » en passant par « Ain’t Goin’ Up In One of Those Things » et « Can’t Help Myself’. The James Hunter Six remporte le défi haut la main de nous envoûter avec cette collection de titres rétro qui s’achève avec un « He’s You Could’ve Been » des plus élégants qui se rajoute à cette discographie constante et passionnante du collectif britannique.


Frustration "So cold dreams" (Born Bad Records, 2019)

Durant les années 90, quel que soit l’endroit où vous viviez en France, vous pouviez voir certains groupes entre 5 et 10 fois par an - parfois même sans vraiment le vouloir. Des types qui jouaient tellement, tout le temps, partout, qu'il était impossible de passer plus de trois mois sans se retrouver à un de leurs concerts. Jusque dans le fin fond du Var ou du Jura, ils ont poussé des tonnes de gamins à monter leur groupe ou leur fanzine, à accéder à quelque chose de différent. C'était plus que de la musique. C'était un esprit, une idée. Une façon d’envisager le monde.

Les règles du jeu ne sont désormais plus les mêmes. La musique n'a plus le même poids, les groupes sur lesquels on tombe entre 5 et 10 fois par an - parfois même sans vraiment le vouloir - sont rarement les bons, et les gamins du fin fond du Var ou du Jura ont autre chose à faire que de monter des groupes ou des fanzines. Mais l'esprit et l'idée sont toujours là. Et, ces 10 dernières années, en France, aucun groupe ne les a incarnés mieux que Frustration. 

Comme tous ces groupes, Frustration on les a vus 5, 10, 100 fois - parfois sans vraiment le vouloir. Et parce qu'on n'est plus tout à fait les mêmes non plus - plus informés, plus occupés, plus blasés, moins facilement impressionnables - on s'est à chaque fois dit qu'on en avait fait le tour, que tout leur petit cirque commençait à bien faire. Mais à chaque nouveau concert, à chaque nouveau disque, on replonge. Parce que le feu brûle toujours, parce que la passion est toujours intacte, parce qu'ils n'essayent pas de passer pour ce qu'ils ne sont pas. Parce que quelque part, au fin fond du Var ou du Jura, certains gamins ont toujours besoin d’envisager le monde autrement.

On ne s’attendait toutefois pas à un disque comme "So Cold Streams".



À ce stade du championnat, Frustration aurait en effet pu se contenter de sortir un disque sensiblement identique au précédent, intense, abrasif, honnête mais sans risques, et continuer à remplir les salles sans que personne ne trouve à y redire en s’avançant doucement vers une sortie aussi digne qu’inévitable. Mais dès les premières mesures d’ « Insane », pilonnage électro-punk insensé qu’on croirait tout droit sorti d’un maxi d’EBM millésimé 1988, on réalise que le scénario ne va pas se dérouler comme prévu. Plutôt que de s’aménager une routine confortable, Frustration a enregistré son cinquième album comme si c’était le premier, comme un groupe formé depuis 6 mois qui n’aurait rien à perdre et une sérieuse envie d’en découdre.

Si la cavalerie post-punk est toujours présente (batterie martiale, basse élastique, guitares en délit de fuite), So Cold Streams surprend par l’énergie, la virulence de certaines paroles et les nombreuses prises de risque, de « Brume », cauchemar aux sonorités industrielles hurlé en français, au très pop « Lil’ White Sister » qui lorgne étonnamment du côté des Smiths et d’Echo & The Bunnymen, en passant par le sinueux et mélancolique « Slave Markets » sur lequel le groupe a invité Jason Williamson, le chanteur de Sleaford Mods - formation qui a beaucoup joué dans la nouvelle jeunesse de Frustration. « Sleaford Mods est un groupe qui, musicalement et humainement, nous a donné un véritable coup de fouet, explique Fabrice Gilbert (chant). Ça nous a redonné un vrai sentiment de liberté, ça m’a permis de dire vraiment tout ce que j’avais envie de dire dans mes paroles, d’aborder des sujets extrêmement intimes comme des choses beaucoup plus générales, que ce soit au niveau politique ou social. So Cold Streams est, paradoxalement peut-être, à la fois notre disque le plus désabusé, le plus énergique et le plus libre. »


Constat que résume à la perfection la pochette du disque, signée comme toutes les autres par l’artiste peintre Baldo, et qui représente une machine goudronnant une route à travers un champ de blé. Un tableau réalisé il y a plus de 15 ans et qui devait, à l’origine, être la pochette de Full Of Sorrow, le premier album de Frustration. Pour une telle renaissance, on ne pouvait rêver meilleur choix. Surtout que l’image contient à elle seule tout le disque : l’espace, la force, la lumière, la rage et le dégoût aussi. L’envie de tout détruire. De faire table rase. De proposer quelque chose de différent. Un peu plus que de la musique. Un esprit, une idée. Une façon d’envisager le monde.



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