La Sélection Bandcamp #8 Médiathèque de Tassin mercredi 14 avril 2021 Aucun commentaire

Nous y voilà, confinement épisode 3, et pour faire passer (un peu mieux)....
...la pilule, nous vous proposons une nouvelle sélection musicale éclectique... et toujours gratuite ! Bonne écoute !








CLAP YOUR HANDS SAY YEAH "NEW FRAGILITY" (CYHSY, 2021)



Cela fait plus de quinze ans que Clap Your Hands Say Yeah est sur les lèvres de tout le monde et ce, depuis leur premier album fédérateur. La formation menée par Alec Ounsworth était bien partie pour mener la mouvance indie rock mais le destin en a décidé autrement. Ce n’est qu’en 2017 qu’ils ont su se relever avec un The Tourist pour le moins réussi même si on est à mille lieues de leur premier disque. Trois ans et demi plus tard, les voici de retour avec New Fragility.



Comme on peut s’y attendre, ce n’est pas la joie ni la bamboche sur ce nouveau disque. En effet, Alec Ounsworth ira diagnostiquer un pays malade et qui est en plein déchirement, comme l’affirme des compositions pastorales et émouvantes telles que « Hesitating Nation » évoquant une civilisation divisée en deux, le COVID et les tensions raciales n’arrangeant pas les choses. Avec son interprétation nasillarde mais bouleversante, on navigue en plein cœur d’une Amérique tourmentée que ce soit sur « Thousand Oaks » évoquant la tuerie qui a eu lieu en novembre 2018 dans ce bar dans une ville californienne mais aussi sur « Dee Forgiven » et « Innoent Weight ».


L’indie rock orchestral de Clap Your Hands Say Yeah possède des relents de dépression comme l’atteste des arrangements baroques de « Mirror Song », « CYHSY, 2005 » quasi introspective ou de « Where They Perform Miracles ». New Fragility ira montrer qu’Alec Ounsworth en a gros sur le coeur et il nous le fait savoir à travers des textes si éloquents que ce soit sur le morceau-titre ou sur « Went Looking For Trouble » avant de s’achever sur une ballade piano-voix avec des arrangements gentiment lo-fi pour ajouter un brin de spleen sur ce nouveau disque qui ne laissera personne indifférent. Clap Your Hands Say Yeah continue sa renaissance lentement mais sûrement.






FLOATING POINTS, PHAROAH SANDERS & THE LONDON SYMPHONY ORCHESTRA "PROMISES" (LUAKA BOP, 2021)

Pharoah Sanders et Sam Shepherd, plus connu en tant que Floating Points, nous concoctent un tourbillon de jazz, de musique classique et électronique. Bien qu’il ne s’agisse que d’une seule et unique piste, durant 46 minutes, la spontanéité de cet enregistrement nous captive par son authenticité. Ces performances habitées, mais aussi agréablement accompagnées par les silences de Floating Points, nous emportent volontiers dans un voyage onirique. Sam Shepherd définit ainsi sa collaboration avec Pharoah Sanders : « Nous sommes tous les deux des chercheurs. Nous cherchons toujours une musique qui peut nous emmener plus loin. »


Quant à Pharoah Sanders, il affirme : « Les gens pensent que je parle peu mais j’essaie de le faire à travers ma musique. » Cette grande figure du jazz états-unien décrit ainsi Floating Points : « Je pense que Sam est un grand musicien, l’un de ces génies dont les pieds foulent la Terre. J’adore la façon dont il joue et son écriture. » Sam Shepherd complimente tout autant son partenaire : « Il y a quelque chose avec le saxophone, avec la façon dont il amplifie la respiration de celui qui en joue et qui vous donne l’impression que vous êtes à l’intérieur de son corps. En entendant Pharoah jouer sur cette pièce, c’était comme si l’instrument était une extension de son corps, un mégaphone pour son âme. »


Malgré la crise sanitaire, le London Symphony Orchestra a pu participer à une session d’enregistrement au sein du mythique studio AIR de George Martin, durant l’été 2020. Tout en respectant la distanciation sociale, les musiciens masqués ont utilisé une centaine de micros afin de donner vie aux arrangements de Floating Points. Ce dernier définit ainsi ce moment particulier : « Le son de cet orchestre jouant avec autant d’espace entre les musiciens était une manifestation sonore de ces temps étranges que nous vivons. C’était ample et impressionnant et une fois que je les ai entendus jouer, c’était comme si j’avais trouvé la dernière pièce du puzzle. »








NUBIYAN TWIST "FREEDOM FABLES" (STRUT, 2021)


En 2019, un nouveau collectif afro-jazz londonien avait débarqué et nous avait emmené très loin dans nos songes. Il s’agissait de Nubiyan Twist, groupe de dix musiciens mené par le producteur et guitariste Tom Excell, qui nous avait impressionné avec leur second disque nommé Jungle Run, remarquable pour sa fusion musicale inouïe. Les voici de retour avec leur successeur tant attendu du nom de Freedom Fables.




Une fois de plus, Nubiyan Twist nous en fait voir de toutes les couleurs avec ces dix compositions exotiques et métissées qui iront mettre un peu de couleur dans notre quotidien. Démarrant en trombe avec un « Morning Light » en compagnie de la chanteuse R&B Ria Moran, le collectif londonien ira convoquer une explosion de saveurs tout comme sur « Tittle Tattle » en compagnie de Cherise que l’on retrouve sur les somptueux « Keeple » et « Flow » et sur les rythmes latino de « Ma Wonka » avec le mythique musicien ghanéen Pat Thomas qui suivent.


Freedom Fables est un subtil mélange de jazz, d’afrobeat, de broken beat, de hip-hop soulful britannique saupoudré de highlife… Et PAF ! Ça crée des Chocapic le style de Nubiyan Twist qui se fait bien entendre sur le bien-nommé « Buckle Up » avec Soweto Kinch ou sur le fiévreux « If I Know » en compagnie de K.O.G. qui se passe des présentations maintenant. La cérémonie se clôture hélas mais avec beaucoup de délicatesse sur « Wipe Away » avec le saxophoniste du groupe Nick Richards qui nous enivre comme sur leur désormais culte « Tell It To Me Slowly ». Pour ce troisième disque, Nubiyan Twist marque leur territoire et n’a rien à envier à la concurrence qui est dominée par d’autres actes comme Ezra Collective ou Nubya Garcia.

Découvrez le disque de Nubiyan Twist dans les bacs de la MédiaLune




DAVID WALTERS "NOCTURNE"
(HEAVENLY SWEETNESS, 2021)

L’année dernière, David Walters avait fait son retour avec l’album Soleil Kréyol. En mettant de la vitamine D dans nos quotidiens moroses en musique, le bonhomme martiniquais résidant à Marseille avec ces vibrations caribéennes qui sont les bienvenues. Cette année, il récidive mais en débranchant les instruments avec son nouvel album intitulé Nocturne.
    



Ici, David Walters a décidé de s’inspirer des MTV Unplugged ou plus précisément d’Inna de Yard en nous offrant des morceaux en acoustique et ce avec un live-band. Pour Nocturne, il s’entoure de grands noms comme le violoncelliste Vincent Segal, le percussionniste et maître des traditions gwo ka Roger Raspail ainsi que le joueur de kora malien Ballaké Sissoko pour nous faire rêver cette fois-ci avec des ballades acoustiques mais toujours aussi exotiques telles que « Papa Kossa » qui ouvre le bal mais également « Freedom », « Sam Cook Di » et autres « Sa En Yé ».


Bien évidemment, on retrouve les standards de son album précédent que sont « Manyè » et « Mama » sous un format débranché et acoustique mais nous nous pencherons du côté des morceaux inédits. L’alchimie entre les musiciens se fait incroyablement ressentir sur « Baby Go » et « Vansé » tandis que ce périple nocturne nous interpelle et nous ensorcelle jusqu’au bout. En ce sens, David Walters ainsi que sa bande réussissent à se réinventer sans jamais compromettre leur intégrité musicale sur ce disque acoustique si enivrant.



GUTS "STRAIGHT FROM THE DECKS"
(HEAVENLY SWEETNESS, 2019)



“Inconsciemment ou non, le set raconte le DJ.

A travers le choix de ses disques et la façon de les organiser, on peut lire son état d’esprit du moment. Partager ses découvertes, en savoir un peu plus sur le gisement musical qu’il a mis à jour et qu’il est en train de forer. L’appétit du diggin’, la recherche de la nouveauté comme de la rareté oubliée, font du set une véritable matière vivante constamment alimentée. Mais, malheureusement, pas toujours respectée.




Le time stretching. La créature du Diable avec laquelle beaucoup trop de DJ’s pactisent. Un rouleau compresseur numérique qui passe sur le rythme pour remettre le tempo d’aplomb laissant derrière lui un batteur agonisant, dont le seul crime aura été de s’être laisser emporter par son énergie et d’avoir décalé les BPM. Au final, tout ce qui faisait le charme du morceau, ses imperfections, cette particularité à faire danser plus vite à la fin qu’au début, toute la vie et le mouvement contenus à l’intérieur se retrouve réduite à néant.

L’exact opposé de ma conception de la musique et, par extension, de mes sets.

Depuis le premier volume de "Straight from the decks", les miens se sont redessinés, rafraîchis et améliorés. Sans réflexion ni calcul, mais par la force des choses, ils ont suivi mon évolution et mes envies. Ce fameux noyau dur de quelques indéboulonnables s’est peu à peu désagrégé pour se reformer autrement, mais sans jamais vraiment s’éloigner d’un centre de gravité afro-tropical.

Quelque soit le morceau, son style comme son origine, seule la qualité musicale prime à mes oreilles.


Dans cette sélection, des 45 trs accessibles à tous côtoient sans rougir des raretés longuement pistées sur le net et remportées après des descentes nerveusement éprouvantes dans les arènes des enchères. Des remixes exclusifs partagent le sillon avec des titres qui auparavant n’existaient que dans une version digitale et qui se retrouvent désormais pour la première fois ici en vinyle. Evidemment, si vous avez opté pour le cd, cette précision ça n’a pas vraiment de sens…

Seize titres qui, au cours de l’année écoulée, sont devenus le cœur des mes sets.

Un cour qui, dans un an, battra certainement différemment…






CALYPSO ROSE "HEAVENLY SWEETNESS LOVES CALYPSO ROSE" (HEAVENLY SWEETNESS, 2021)



Heavenly Sweetness a découvert Calypso Rose au début des années 2000 grâce au projet “Calypso at Dirty Jim’s” et avec elle, la richesse de la musique de Trinidad.

Depuis leurs chemins n’ont cessé de se croiser et la musique de Trinidad a pris une part importante dans leurs collections de disques mais aussi dans le catalogue de Heavenly Sweetness.



Tout d’abord, Anthony Joseph, le premier artiste du label est originaire de Trinidad et un fin connaisseur de Calypso, Soca et autre Rapso. Il a partagé plusieurs fois la scène avec son idole qui devait participer à son dernier album enregistré à Trinidad.

Puis Guts s’est immergé dans la musique de Trinidad pour aller y chercher ses pépites et y trouver des samples qui seront la base de ses tubes “Brand new revolution” ou “Man funk”. Il a également mis plusieurs titres de Trinidad sur ses célèbres compilations « Beach Diggin’ ».

Blundetto avait lui eu la chance de remixer avec son compère Biga Ranx la sublime version de Calypso Rose de “Calypso Blues”.



Enfin, Heavenly Sweetness a récemment signé David Walters, chantre d’une musique pan-Caribéenne et qui a marié le son créole à la production électronique moderne. Il voue une admiration sans borne à la reine du Calypso qu’il entendait enfant dans toutes les Antilles françaises.

Ajoutez à cela le hasard des rencontres et aujourd’hui pour toutes ces raisons évidentes nous sommes heureux d’annoncer une collaboration entre la reine du Calypso et Heavenly Sweetness sous la forme d’un EP, où les artistes du label revisitent les titres de la “Queen Rose”.








KING GIZZARD & THE LIZARD WIZARD "L.W." (FLIGHTLESS, 2021)

Fraîchement débarqué en ce début d’année 2021 dont l’actualité foisonnante aurait de quoi faire sombrer plus d’un clown dans la mélancolie la plus sévère, L.W, nouvel album des australiens de King Gizzard and the Lizard Wizard, semble poursuivre sans artifices la volonté nullement cachée du groupe de renouer avec la gamme microtonale expérimentée en 2017 à l’occasion du vénérable Flying Microtonal Banana. Si son utilisation donnait déjà à son prédécesseur K.G des faux airs d’un disque de blues touareg, LW – soigné et agréable, à l’orientalisme toujours aussi assumé et maîtrisé – persiste et signe.


"If Not Now, Then When ?" ouvre donc le bal en dévoilant un délicieux groove aux accents psychédéliques, avant que O.N.E et la plus rock Pleura nous ramènent sur des terrains plus familiers, évoquant ici le délicat Paper Maché Dream Balloon, ailleurs le génial Polygondwannaland. Là encore, force est de constater que le savoir-faire des australiens se ressent dès les premières notes : les transitions demeurent impeccables, l’atmosphère musicale globale est toujours aussi riche et complexe.

A l’instar de Straws in the Wind sur l’album précédent, Ambrose s’offre une nouvelle fois le luxe de tenir la voix lead sur Supreme Ascendancy qui s’affuble pour l’occasion d’une rythmique des plus galvanisantes, notamment à la batterie, même si les artifices sonores utilisés sur ce titre en saturent l’écoute à de rares moments. Static Electricity poursuit dans la même voie jusqu’à ce que le corpus débouche sur Ataraxia, pièce maîtresse de l’album dont les gimmicks lo-fi et les synthétiseurs scintillants ne manqueront pas de continuer à hanter votre écoute, alors même que See Me et la finale KGLW n’offriront rien de particulièrement plus intéressant à se mettre sous la dent.




Suite et fin du dyptique KGLW entamé en novembre dernier, LW offre dans son ensemble une belle continuité à sa moitié, tout en apportant une bouffée d’air frais aux effluves orientaux de la discographie du groupe. Loin des exubérances qui caractérisaient certains opus comme Murder of the Universe, KG et LW se répondent l’un l’autre dans une sorte de dialectique microtonale qui vient raviver quelque peu la flamme d’un psychédélisme toujours aussi savamment distillé. Si ces deux opus ne révolutionnent pas fondamentalement l’identité de King Gizzard, ceux-ci viennent enfoncer encore un peu plus la couronne des maîtres du garage psychédélique. Et dans le contexte actuel, il serait bien mal venu de leur en vouloir.





TINDERSTICKS "DISTRACTIONS" (CITY SLANG, 2021)



Tindersticks ne cessera donc jamais de nous émerveiller.

Nos esprits avaient déjà pu être marqués par No Treasure But Hope paru en 2019, et nous frémissions d’impatience de pouvoir voir cet album joué sur scène. Ce fut chose faite pour le public parisien qui aura eu la chance de voir le groupe le 30 janvier 2020 à la Salle Pleyel, l’une des dernières dates de cette tournée annulée prématurément pour la raison que nous connaissons tous.




Malgré cette coupure nette, le trio de Nottingham mené par Stuart Staples s’est retroussé les manches et s’est empressé de retourner en studio afin de mettre sur bande toute l’inspiration qui a émané de cette sombre et funeste année 2020.

Man Alone (Can’t Stop the Fadin), le premier titre de la face A annonce la couleur : une bass line envoûtante sur une boucle répétée pendant 11 minutes et couplée à un leitmotiv chanté en canon par Staples (« But I’m not greedy for this guy no more, this guy no more. No, I’m not greedy for this guy no more, this guy no more. Oh-oh-oh, whoa-oh ») ; c’est hypnotisant, angoissant et planant à la fois, mais surtout atypique par rapport au “son Tindersticks“, et c’est sans doute pour cette raison que l’on ne lasse pas de cette ouverture psychédélique qui aurait pourtant pu sembler interminable.

La suite mêle piano mélancolique, paroles chuchotées, beats de boite à rythme et guitare compressée, le tout pouvant honorablement faire penser à un Nick Cave post 2016 (I Imagine You, ou encore la reprise de Dory Previn Lady with the Braid).





Le noyau dur de cet album réside sur la Face B avec la sublime cover You’ll Have to Scream Louder de TV Personnalities ou encore le très touchant Tue Moi, titre écrit et chanté en français sur un unique fond de piano qui ferait, selon la rumeur, allusion à l’attaque du Bataclan en novembre 2015 (« Tue-moi, Tue-moi, fais de moi ton désir, Peau contre peau, s’entrelacer, Jusqu’à se fondre, Que nous sommes les élus, Accrochés à vos souvenirs, Nous sommes les élus, Dans un monde qui s’éloigne… ») avant d’aboutir sur le délicat et reposant The Bought Bends qui constitue une note finale parfaite.

Apart les deux reprises déjà mentionnées, nous n’oublierons néanmoins pas de citer la cover de A Man Needs a Maid de Neil Young, revisitée à la sauce cold wave et aux sonorités électro. Certains salueront le génie audacieux, d’autres crieront au blasphème. Nous préférons laisser l’auditeur seul juge… après tout, l’ambivalence reste une composante majeure de cet album singulier et de l’écoute duquel on ne peut ressortir insensible.





SLOWTHAI "TYRON" (AWGE, 2021)

‘What’s a rapper without jewellery? A real person, surely’. En une seule punchline issue de nhs, Slowthai vient de résumer le concept derrière son deuxième album, TYRON. Face A, le sourire psychotique du Joker ou de Jack Nicholson dans Shining – ou, pour reprendre une référence plus typiquement british, celui du Chat du Cheshire, schizophrène, inquiétant, imprévisible… Ajoutez à cela la drogue, l’alcool, les controverses médiatiques, l’imagerie horrifique et des paroles antisociales – le tout sur une bande-son qui reprend tous les codes de la trap, de la grime, ou du drill – et vous aurez un vrai personnage de comics, anti-héros hédoniste tendant un miroir souvent dérangeant à la perfide Albion. Ça, c’est donc pour la face A. Car en face B, c’est une autre histoire qui se déroule, à savoir un besoin d’introspection, et une envie de se démarquer du personnage ci-dessus pour aller explorer des failles plus intimes ou encore montrer plus d’empathie envers son prochain. Avec un résultat musical forcément plus old school que sur la première face, privilégiant les textures soul, R’n’B ou encore electro-lounge, et bénéficiant d’interventions pertinentes de pointures comme James Blake, Mount Kimbie ou encore Kenny Beats.




TYRON, c’est donc ce qui rassemble les deux visages de Tyron Kaymone Frampton, born and bred in Northampton, England, accro au cinéma hypnotique de Kubrick, Tarantino ou encore Danny Boyle, trublion monté sur ressorts qui termine tous ses concerts en caleçon et qui arrive bourré comme un coing aux cérémonies du gotha de l’industrie musicale – beauf et lourd les mauvais jours, politiquement cinglant les bons, comme lorsqu’il trimballe une tête décapitée de Boris Johnson en papier mâché sous le bras. Et à l’origine, un gosse des quartiers défavorisés dont on moquait l’élocution lente et le caractère lunaire. L’ascension de Slowthai, la maitrise incontestable de son flow nasillard et grinçant, sa visibilité médiatique, ses concerts à 5 livres… Tout cela représente donc une vraie revanche sur le déterminisme social, même si cette revanche ne pourra jamais être complètement accomplie. D’où cette nécessité de continuer à s’identifier au dealer de drogue, à l’idiot du village, au fou dangereux, au schizo – bref à l’underdog. Même si, finalement, cet underdog est probablement aujourd’hui plus une affaire d’image qu’autre chose.

Avec ses deux parties distinctes, TYRON est donc une tentative d’assumer pleinement ce paradoxe pour pouvoir mieux recoller les morceaux par la suite. Outre la production habituelle de Kwes Darko et SAMO, Slowthai a su bien s’entourer pour cet exercice à visée thérapeutique – avec en premier lieu Mount Kimbie et James Blake, donc, mais aussi les rappeurs Skepta, A$AP Rocky et Denzel Curry. Là où le bat blesse, malheureusement, c’est que le résultat final n’évite pas certains écueils, à savoir un disque ‘bancal’ dans la mesure où sa face A, censée être celle des bangers les plus ‘in your face’ de l’album, fait un peu pale figure par rapport aux pépites de Nothing Great About Britain (sans même parler de ces simples incroyables qui n’étaient pas inclus dans ce premier LP, par exemple Drug Dealer ou Polaroid). Si CANCELLED et MAZZA restent des singles corrects, leur présence ne rattrape ainsi pas le remplissage qui suit, à savoir les inconséquents VEX et WOT qui semblent n’avoir été ajoutés que parce qu’ils permettaient au concept général du disque de prendre forme.



Heureusement, DEAD et PLAY WITH FIRE rétablissent quelque peu la barre, la fin ralentie de ce dernier titre permettant même une transition subtile vers une face B certes plus introspective, mais surtout plus convaincante que la première. La co-production de Kenny Beats sur terms lorgne par exemple sur le meilleur de Kanye West ou Drake, aidée par la suave voix de Dominic Fike. Et si les vocalises de James Blake volent un peu la vedette à Slowthai sur feel away, on ne lui en tiendra pas trop rigueur, vu que ce titre suit directement nhs, un des meilleurs morceaux jamais enregistrés par le jeune rappeur, et qui, au-delà de l’hommage annoncé aux services de santé britanniques, est surtout une invitation zen à prendre le bon comme le mauvais dans la vie. "What’s good music without silly songs?" y demande, goguenard, Tyron Frampton, comme s’il était déjà conscient de ces quelques critiques adressées dans nos lignes. D’une certaine manière, TYRON semble lui-même livrer une réponse à cette question. Et c’est une réponse chaotique, irrégulière, parfois décevante, parfois inconséquente, mais souvent brillante aussi… Une réponse à l’image de son auteur, en forme de puzzle dont il manque quelques pièces encore, et ne laissant pour l’instant entrevoir qu’un énigmatique sourire.




ANTHOLOGIE "EDO FUNK EXPLOSION, VOL.01" (ANALOG AFRICA, 2021)

C'est à Benin City, au cœur du Nigeria, qu'est né un nouveau son hybride highlife enivrant connu sous le nom d’edo funk. Il est apparu pour la première fois à la fin des années 1970 lorsqu'un groupe de musiciens a commencé à fusionner des éléments de leur culture edo natale avec de nouveaux effets sonores provenant des boîtes de nuit d'Afrique de l'Ouest.






Contrairement aux productions disco nigériennes assez lisses qui émanaient de la métropole de Lagos, l’edo funk proposait une musique crue avec un minimum d’artifices. Il fallait quelqu'un pour canaliser cette énergie dans un son distinctif et Sir Victor Uwaifo est apparu tel un professeur fou avec son studio Joromi. Uwaifo a pris la structure squelettique de la musique edo et a commencé sans relâche à la fusionner avec des synthétiseurs, des guitares électriques et des racks d'effets des années 80, ce qui a abouti à certains des enregistrements edo les plus remarquables jamais réalisés : une infusion explosive épicée avec une saveur psychédélique étrange.



Le premier volume de la série Edo Funk Explosion met en lumière les plus grands pionniers de l’Edo funk : Osayomore Joseph, Akaba Man et Sir Victor Uwaifo. Osayomore Joseph est l’un des premiers musiciens à ajouter des sons de flûtes dans le highlife, un style de musique jusqu’alors prédominé par les cuivres. Il se consacre à moderniser et électrifier la musique edo à l’aide de funk et de beats afro mais surtout sur des textes particulièrement engagés, critiquant ouvertement le gouvernement. De son côté, Akaba Man nous livre un edo funk moins politique que Osayomore Joseph et moins psychédélique que Victor Uwaifo. Il trouve le parfait équilibre entre les deux, à travers des grooves trance, des synthés et des textes exprimant une vision personnelle profonde. Ce qui unit ces différents musiciens, c'est leur capacité à décortiquer le funk jusqu'à son essence primitive et à l'utiliser comme base pour leurs propres excursions au cœur de la culture edo. Les douze morceaux d'Edo Funk Explosion Volume 1 du label Analog Africa vibrent d'inspiration brute, mélangeant des cuivres highlife, des rythmes entraînants, des claviers fluorescents et des guitares hallucinogènes pour une expérience funk unique !









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