Camille Saint-Saëns Médiathèque de Tassin samedi 19 mars 2022 Aucun commentaire


Alors que l'on vient de célébrer les 100 ans de sa mort, nous vous proposons de redécouvrir...
...l’œuvre de ce génie dans ses aspects les plus secrets et les plus insoupçonnés.

Enfant prodige et compositeur précoce


Camille Saint-Saëns est, à l’égal de Wolfgang Amadeus Mozart ou de Felix Mendelssohn, l’un des enfants prodiges les plus remarquables de l’histoire de la musique. A trente mois, on raconte qu’il est déjà capable de reconnaître les notes à l’oreille. A trois ans, il commence à composer ses premières œuvres pour piano. Le musicologue Jean Gallois, dans son excellent ouvrage sur le compositeur, rapporte un épisode cocasse où Saint-Saëns fait preuve, dès cette époque, d’un sens musical supérieur :
"Présenté à Zimmermann (un grand pianiste d’alors), ce dernier le fait se retourner et frappe un La. Camille répond : Sol dièse ! On renouvelle l’expérience pour finalement constater que… le piano avait été accordé un demi-ton plus bas. Tête du professeur moins savant que l’élève qui s’était d’ailleurs fâché."
Formé par Camille Stamaty, Saint-Saëns fait ses débuts de concertiste à peine âgé de dix ans, devant l’élégant parterre de la salle Pleyel. Le programme impressionne par sa longueur ainsi que par sa difficulté : le 6ème Concerto pour piano en si bémol majeur de Mozart (K. 238), une sonate et le 3ème Concerto pour piano en ut mineur de Beethoven, des pièces de Bach, Haendel, Kalkbrenner et Hummel. Connaissant un succès considérable, il est invité aux Tuileries où il joue devant Louis-Philippe.




Si Saint-Saëns est un pianiste virtuose adulé par le public, sa véritable vocation n’est pas là : il désire avant tout devenir compositeur… En 1848, il entre au Conservatoire de Paris, où il a pour maîtres François Benoist (orgue) et Fromental Halévy, l’auteur de La Juive (composition). Dès 1850, à 15 ans, il conçoit une Symphonie en la majeur, pièce qui porte l’influence de Felix Mendelssohn et qui se révèle exceptionnellement achevée pour un adolescent de cet âge.

D’autres chefs-d’œuvre suivront : la très schumanienne 2ème Symphonie en mi bémol majeur admirée par Berlioz et Gounod ainsi que le 2ème Concerto pour violon en deux mouvements. L’œuvre la plus importante de cette période est sans conteste L’Oratorio de Noël, composé en 1858. Saint-Saëns y déploie un lyrisme exceptionnel qui n’est pas sans évoquer celui des maîtres baroques. On y retrouve soliste, chœur, orgue, harpe et cordes.

Saint-Saëns, durant sa jeunesse, marche donc sur les traces de la musique allemande, usant d’un style qui repose sur un parfait équilibre entre classicisme et romantisme. Ayant atteint très tôt une forme d’excellence, Saint-Saëns ne tardera pas à se tourner vers de nouveaux horizons.

 

Un compositeur de renommée internationale

La période de maturité de Camille Saint-Saëns permet à ce grand compositeur de développer un esprit véritablement universel. En effet, cet homme d’une rare intelligence s’intéresse à tous les domaines, qu’il s’agisse bien sûr de la musique, de la poésie, de la peinture, de la zoologie, de la métaphysique ou encore de l’astronomie. Cette tendance à l’éclectisme, à la curiosité, se rencontre également dans son approche de l’art musical.
« Au fond, ce n'est ni Bach, ni Beethoven, ni Wagner que j'aime, c'est l'art. Je suis un éclectique. C'est peut-être un grand défaut, mais il m'est impossible de m'en corriger : on ne peut refaire sa nature. De plus, j'aime passionnément la liberté […]. »
Un peu à la manière d’un Berlioz ou d’un Liszt qu’il admire, Saint-Saëns refuse la routine et sait se montrer audacieux. Chacune de ses créations porte un style nouveau, illustre des recherches originales. Cette capacité hors du commun, qui le place au-dessus de bien des compositeurs et que renforce une mémoire exceptionnelle, lui permet de créer nombre de ses plus grands chefs-d‘œuvre : La Danse macabre, Le Premier concerto pour violoncelle, Le Carnaval des Animaux ou La 3ème Symphonie avec orgue. Cette dernière est l’œuvre de tous les records par son utilisation d’un orchestre gigantesque qui ne comporte pas moins d’un piano à quatre mains et d’un orgue en plus des instruments traditionnels de l'orchestre. Cela a souvent fait dire de Saint-Saëns qu’il était un véritable « architecte ès sonorité ».






Cet attrait pour la nouveauté se retrouve lorsqu’il compose la toute première musique de film de l’Histoire L’Assassinat du Duc de Guise ou lorsqu’il rend hommage aux aviateurs qui bravent tous les dangers avec sa pièce pour chœur Aux Conquérants de l’Air.

Pour se renouveler, Camille Saint-Saëns n’hésite pas à enrichir son art en se tournant vers le passé. Participant à la réédition moderne des œuvres de Rameau, ce membre de l’Institut et ami personnel du roi d’Angleterre Edouard VII, a accès aux plus grandes bibliothèques musicales d’Europe. Son opéra Henri VIII incorpore d’une manière étonnante des traits de la musique de la renaissance anglaise, de même que le morceau Sarabande et Rigaudon s’inspire des suites de danses baroques. Son septuor pour instruments à vent annonce même le néo-classicisme du groupe des Six.

On le voit, ce compositeur, que le XXème siècle a souvent considéré comme « réactionnaire », était en réalité un homme souvent en avance sur son temps. Il suffit pour cela de comparer son œuvre à celles plus conservatrices d’autres grands de sa génération, Brahms, Dvorak ou encore Bruch. « Hyper-créatif », d’une renommée véritablement internationale, il a pu parcourir et découvrir le monde comme aucun autre artiste de son temps, ce qui a eu un impact considérable sur son œuvre.

 

Le Maître orientaliste


Un autre aspect du génie musical de Camille Saint-Saëns réside dans son indéfectible fascination pour l’Afrique du Nord. Dans une lettre de 1902 à son éditeur Jacques Durand, Saint-Saëns ne se présente-t-il pas comme « l’orientaliste de la musique ». Situé plutôt dans la deuxième partie de l’existence du compositeur, cet intérêt constitue l’une de ses plus grandes originalités.

Aimant à se reposer sur les rives africaines de la Méditerranée, Saint-Saëns fait notamment dix-neuf voyages en Algérie dont le premier date d’octobre 1873 et trouve sa cause dans une santé délicate. Durant ces séjours, il constitue une importante collection d’instruments exotiques aujourd’hui conservée au musée de Dieppe, en Seine-Maritime.


Son art lui-même, dont l’orchestration est toujours rutilante et d’une grande inventivité, sait rendre et épouser à merveille la sensualité musicale de l’Orient. À la suite de Félicien David dans les années 1840, il propose une véritable fusion de la musique traditionnelle du Maghreb et de l’art classique occidental. Parmi les grandes œuvres de Saint-Saëns qui suivent cette veine, on peut bien sûr citer Samson et Dalila qui réjouit toujours les amateurs d’opéra, Les Mélodies persanes sur des poèmes d'Armand Renaud ou encore le très justement célèbre Concerto n°5, « L’Égyptien ». D’autres œuvres moins connues mériteraient cependant d’être mises en avant. Le morceau pour piano, Souvenir d’Ismaïlia est passionnant. De même, la musique de scène La Foi, que le compositeur a transformée en poème symphonique, possède un finale qui n’est pas loin d’offrir la grandeur de celui de la Symphonie avec Orgue.

Saint-Saëns est, et restera, un des grands compositeurs de la fin du 19ème siècle. Sa carrière aurait pu s’arrêter comme celles de nombre d’enfants prodiges, après l’écriture de quelques chefs-d’œuvre. Il n’en a rien été ! Toujours inventif, son esprit exceptionnel a produit des ouvrages qui sont dignes d’admiration et qui possèdent une voix à chaque fois singulière. L’Orient, la dernière passion de son existence, aura participé de cela, rendant son art encore plus chatoyant et ouvert sur le monde. Alors, n’attendons pas ! Redécouvrons l’œuvre de ce génie dans ses aspects les plus secrets et les plus insoupçonnés.
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