Terry Hall Médiathèque de Tassin mercredi 21 décembre 2022 Aucun commentaire



Son apparence impassible détonnait avec la frénésie du ska, dont il fut une figure de proue au
tournant des années 70-80. Chanteur habité et auteur sensible, il fit d’autres riches voyages musicaux avant de revenir à son groupe de jeunesse. Il s’est éteint le 19 décembre, à 63 ans.





Comment pouvait-il se souvenir d’un bon vieux temps, lui qui, garçon de 12 ans de Coventry, avait subi, au cours d’un voyage scolaire, les assauts abusifs d’un professeur pédophile (ce qu’il confiera plus tard en chanson, dans le bouleversant Well Fancy That, de Fun Boy Three), l’enfermant à jamais dans des troubles relationnels et une dépression chronique ? Et pourtant, comme tant d’autres, l’explosion punk aura permis à celui qui ne s’était jamais senti entendu ni écouté, de trouver sa place. Au centre, comme chanteur principal, mais toujours un peu décalé, en retrait, plus en phase avec l’expression de sa colère froide envers l’injustice et sa compassion pour toutes les victimes (du racisme comme de l’économie libérale) qu’avec le statut de vedette que lui conférait sa position.



Avec son air de Pierrot lunaire mâtiné de Droopy et son chant tout en retenue, Terry Hall, avec ses complices, avait illuminé les tubes des Specials, aussi festifs que bruts et cinglants (Gangsters, A Message to You Rudy, Too Much Yoo Young, Do Nothing…). Un groupe en noir et blanc, tel le damier emblématique du ska, militant à sa manière pour la diversité, sous la conduite du « cerveau » musical et idéologique Jerry Dammers. Un peu trop directif au goût de Hall, allergique aux contraintes et qui, après deux albums, fait sécession en 1982, en compagnie de deux autres membres du groupe (Lynval Golding et Neville Staples) pour fonder Fun Boy Three. 




Lâchant le ska pur et dur, le trio propose une fascinante pop tribale et dépouillée, habitée à nouveau par les incantations singulières du chanteur. Avec même des tubes à la clé (Our Lips are Sealed, écrit avec Jane Wiedlin, sa copine américaine des Go-Go’s). Un second très bon album à la coloration plus pop (Waiting), mais toujours illuminé par les textes au romantisme subtilement indigné, suffira une fois de plus à faire le tour de la question. L’instable Terry Hall se lance alors, à nouveau en trio, dans l’aventure Colourfied, pour un easy listening haut de gamme aux harmonies subtiles. Puis Terry, Blair & Anouchka, avant d’alterner, épisodiquement, œuvres solo (le très beau Home, en 1994) et collaborations diverses (avec Dave Stewart, dans le décevant Vegas, ou avec Mushtaq, leader de Fun-Da-Mental, « le Public Enemy moyen-oriental », pour The Hour of Two Lights, superbe et audacieux album de world pop, en 2003).



S’éclipsant régulièrement pour s’isoler auprès de sa famille, Terry Hall a participé aux retours sur scène triomphaux des Specials lors de concerts euphoriques où il ne se départait jamais de son impassibilité quasi maladive. Il contribua également aux excellents albums Encore (2019) et Protests Songs (2021).

« Je ne veux pas être riche, je ne veux pas être connu », chantait-il sur l’hymne ska Too Much Too Young, et on n’a jamais douté de la sincérité de cet artiste précieux à la discrétion, forcée peut-être, mais salutaire. La seule chose qui comptait pour lui était bien d’être écouté et entendu. Message reçu cinq sur cinq. Il peut partir, même prématurément, en paix.


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