Daniel Barenboim Médiathèque de Tassin mardi 15 novembre 2022 Aucun commentaire


Le 15 novembre 2022 marque le 80e anniversaire de Daniel Barenboim, figure incontournable...
de l'histoire de la musique du XXe siècle. Comment résumer sa carrière hors norme ? Voilà le défi que France Musique a relevé pour notre plus grand plaisir !

Pianiste et chef d'orchestre incomparable, pédagogue et artisan de la paix, le célèbre musicien argentin a volé de concerts en collaborations, de rencontres en aventures à travers le monde... Voici les moments forts de son brillant parcours, décennie par décennie, à (re)découvrir et à réécouter, en piochant dans les bacs de MédiaLune !


1942-1952, Martha, Beethoven et Prokofiev


Daniel Barenboim est né le 15 novembre 1942 à Buenos Aires, en Argentine. Ses parents Aida et Enrique Barenboim, Juifs d’origine russe, sont tous deux pianistes professionnels. Sans surprise, le jeune Daniel est initié au piano dès ses cinq ans, d’abord par sa mère avant de continuer aux côtés de son père. Ce dernier sera son unique professeur.



À cette époque, Il fait également la connaissance d'une jeune musicienne nommée Martha Argerich, avec laquelle il noue une amitié profonde : « Je connais Martha Argerich depuis 1949. Il y avait une maison à Buenos Aires, appartenant à un ancien violoniste et homme d'affaires, où l'on jouait de la musique de chambre tous les vendredis. [...] Il n'y a presque personne que je connais depuis si longtemps. »

Le 19 août 1950, à l'âge de sept ans, Daniel Barenboim donne son premier concert officiel à la Sala Beyer de sa ville natale, avec au programme des œuvres de Beethoven et de Prokofiev. Il n’y a aucun doute, la longue carrière du jeune musicien est déjà en bonne voie.



1952-1962, sous le regard de Markevitch et Furtwängler


En 1952, la famille Barenboim part s’installer en Israël, fondé quatre ans plus tôt seulement. Au cours du long voyage, une halte est faite à Salzbourg afin que Daniel puisse participer au stage d’été de direction d’orchestre d’Igor Markevitch. Le pédagogue annonce alors que son élève ne sera jamais pianiste : le jeune Daniel est fait pour être chef d’orchestre. Daniel Barenboim fera néanmoins ses débuts au clavier à Carnegie Hall en 1957, aux côtés de Leopold Stokowski.

C'est à la même époque qu'il rencontre le grand Wilhelm Furtwängler, fortement impressionné par ses talents musicaux. Ce dernier aura une influence profonde sur la vie et la carrière de Daniel Barenboim et sera toujours de bon conseil. Il souhaite inviter le jeune musicien à jouer à la Philharmonie de Berlin, dont il est le directeur, mais le père de Daniel estime qu’il est encore trop tôt pour qu’un Juif aille jouer en Allemagne. Dès l'hiver 1954, et pendant un an et demi, il étudie le contrepoint et la composition à Paris avec la célèbre pédagogue Nadia Boulanger.



1962-1972, Jacqueline du Pré et l'engagement politique


En 1966, Daniel Barenboim fait la rencontre à Londres de la violoncelliste Jacqueline du Pré. Avant même de se parler, ils jouent ensemble une sonate de Brahms. Les deux musiciens se marient quelques mois plus tard seulement, le 15 juin 1967 à Jérusalem. Ainsi commence une longue et fructueuse union forgée dans la musique. Ils embarquent ensemble dans d’innombrables projets musicaux. L’intégrale des Trios avec piano de Beethoven avec Pinchas Zukerman est gravée en seulement trois jours entre fin décembre 1969 et début janvier 1970. Le célèbre Concerto pour violoncelle d’Edward Elgar fait également partie de leurs collaborations marquantes.



Grand défenseur des droits de l'homme et notamment de la cause des Palestiniens, Daniel Barenboim devient au cours de la décennie un musicien politiquement engagé, critique virulent des gouvernements conservateurs d'Israël et de l'occupation israélienne des territoires palestiniens. « Depuis les années 60, je ne me sens plus à l'aise en Israël. Bien sûr, c'est ma maison ; mes parents y ont vécu et sont tous les deux enterrés à Jérusalem. Chaque fois qu'il y avait la guerre en Israël, j'y jouais : en 1956, 1967, 1973. La musique était ma langue, mon “arme” », avoue le musicien lors d’une interview dans le Tagesspiegel allemand.




1972-1982, l'opéra et l'Orchestre de Paris


Les années 1970 annoncent les débuts de Daniel Barenboim à la direction d’opéra. Il dirige Don Giovanni de Mozart au festival d’Edinburgh en 1973. Il fera également ses débuts à Bayreuth en 1981, où il dirige Tristan und Isolde. Il y retournera régulièrement jusqu’en 1999 pour y diriger le Ring, Parsifal et Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg... plus de 160 productions en tout.

En 1975, il est nommé directeur musical de l’Orchestre de Paris, à la tête duquel il restera jusqu’en 1989. Il introduit la musique contemporaine dans le répertoire de l'orchestre : les œuvres de Boulez, Dutilleux, Lutosławski, Berio, Takemitsu et Henze.



1982-1992, Paris, Chicago, Bayreuth


En 1988, Daniel Barenboim est nommé directeur artistique et musical de l’Opéra Bastille à Paris, dont l’ouverture est prévue pour 1990. Mais à la suite d'un conflit avec le président de l’Opéra de Paris Pierre Bergé, il est limogé peu de temps avant l’ouverture. Il succède à cette même époque à Sir Georg Solti en tant que directeur musical de l’Orchestre symphonique de Chicago, ensemble qu’il dirige pour la première fois en 1970. Les années passées à la tête de la phalange américaine seront formatrices pour Daniel Barenboim : « Je ne serais pas le musicien que je suis sans être passé par l’Orchestre de Chicago », avoue-t-il d’orchestre au micro de France Musique.




Ses débuts à Bayreuth avec la musique de Richard Wagner l’engagent à s’exprimer contre l’interdiction des œuvres du compositeur en Israël. « Wagner, la personne, est absolument épouvantable, méprisable et, d'une certaine manière, très difficile à associer à la musique qu'il a écrite, qui a si souvent exactement le genre de sentiments opposés... nobles, généreux, explique-t-il à l'occasion d’une conversation en 1999 avec l’universitaire, théoricien littéraire, pianiste et critique palestino-américain Edward Saïd. [...] Bien que l'antisémitisme de Wagner soit monstrueux, je ne pense pas qu'on puisse le rendre responsable, même si beaucoup de penseurs nazis ont souvent cité Wagner comme leur précurseur. »

1992-2002, réconcilier les peuples


En 1992, Daniel Barenboim est nommé directeur musical du Staatsoper unter dem Linden de Berlin et de la Staatskapelle Berlin. Huit ans plus tard, il en devient chef d'orchestre à vie. En 1999, il fonde l’un des projets les plus symboliques de sa carrière : le West-Eastern Divan Orchestra. Créé avec Edward Saïd, l’ensemble réunit chaque année de nombreux jeunes musiciens classiques d'Israël, des territoires palestiniens et des pays arabes pour étudier et jouer ensemble afin de promouvoir le dialogue et la compréhension mutuelle.





Le 7 juillet 2001, lors d’un concert avec la Staatskapelle de Berlin à Jérusalem, Barenboim crée un scandale politique lorsqu’il décide de diriger un extrait de Tristan et Isolde de Wagner, compositeur banni d'Israël à cause de son association au Troisième Reich et à l’Holocauste.


2002-2012, affinités européennes et soutien à Gaza


Après la démission de Riccardo Muti en 2006, Daniel Barenboim est nommé chef invité principal de la Scala de Milan puis directeur musical en 2011. En novembre 2006, il décline l’offre de Lorin Maazel de lui succéder en tant que directeur musical de l'Orchestre philharmonique de New York, précisant que rien ne pouvait être plus à l’opposé de ses envies que l’idée de retourner aux États-Unis pour un poste permanent. Il fera néanmoins ses débuts au Metropolitan Opera de New York en 2008. Il fait également ses débuts au célèbre concert du Nouvel An de Vienne en 2009, grand honneur qu’il renouvellera en janvier 2014 et plus récemment en janvier 2022.

En 2006 il reçoit le prestigieux prix Ernest von Siemens, surnommé le « Prix Nobel de la musique ». Il reçoit la citoyenneté palestinienne honoraire après avoir joué à Ramallah, et devient ainsi le premier citoyen juif israélien à se voir accorder ce statut. En mai 2011, Barenboim rassemble des musiciens volontaires de l’Orchestre philharmonique de New York, de la Staatskapelle de Berlin, de l’Orchestre de La Scala de Milan, de l'Orchestre philharmonique de Vienne et de l’Orchestre de Paris afin de créer l’ensemble l'« Orchestra for Gaza ». Ensemble, ils se produisent en concert dans la bande de Gaza, soutenus par les Nations Unies.




En reconnaissance de sa carrière et de son travail en faveur de la réconciliation au Moyen-Orient par la musique, il reçoit entre 2002 et 2011 pas moins de 25 récompenses et titres honoraires du monde entier.


2012-2022, une vocation de transmission


Au cours de cette dernière décennie, Daniel Barenboim s’oriente vers la pédagogie. Il fonde en 2012 l’Académie Barenboïm-Saïd à Berlin, où sont accueillis les jeunes étudiants en musique du monde arabe et d'Israël pour continuer leurs études de la musique et des sciences humaines. Il prête également son nom à un personnage dans le dessin animé français Max & Maestro, dans lequel un jeune garçon rencontre Daniel Barenboim, dans l’espoir d’initier davantage d’enfants à la musique classique.

Le 5 octobre 2022, au seuil de son 80e anniversaire, Daniel Barenboim annonce son retrait de la scène après huit décennies au cœur de la musique : « J'ai vécu toute ma vie dans et à travers la musique, et je continuerai à le faire tant que ma santé me le permettra. En regardant le passé et l'avenir, je ne suis pas seulement satisfait mais profondément comblé. » Ainsi le chef résume-t-il une vie magistrale en musique.


Daniel Barenboim en six dates

  • 1975-1989 : directeur musical de l’Orchestre de Paris
  • 1988 : nouvelle production du Ring de Wagner à Bayreuth
  • 1991-2006 : directeur musical de l’Orchestre symphonique de Chicago
  • 1999 : Daniel Barenboim fonde le West-Eastern Divan Orchestra
  • 2006 : prix Ernst von Siemens
  • 2011 : directeur musical de la Scala de Milan


Daniel Barenboim en six enregistrements

  • 1990 : Sonates pour violoncelle de Brahms, avec Jacqueline du Pré
  • 1993 : Concertos pour piano de Mozart, avec l’English Chamber Orchestra
  • 1997 : Sonates pour piano de Beethoven
  • 2010 : *Lieder * d’Hugo Wolf, avec Dietrich Fischer-Dieskau
  • 2011 : Les dix symphonies de Bruckner, avec l’Orchestre symphonique de Chicago
  • 2013 : Les neuf symphonies de Beethoven, avec le West-Eastern Divan Orchestra (BBC Proms 2012) [DVD]

"Daniel Barenboim : une carrière flamboyante en 8 décennies" par Léopold Tobisch, 4 novembre 2022, France Musique]
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